Par Avance
George Ka
Révélée par un projet d'accompagnement d'artistes financé par une célèbre marque de jeans et parrainé par Gaël Faye pour son édition 2020, la chanteuse franco-vietnamienne George Ka nous vient du Val-de-Marne et de la scène slam, et nous avait jusqu'ici offert quelques lives ainsi que deux clips, « Saïgon » et « Jolies personnes ». En ce nouveau printemps, elle nous dévoile son premier EP signé sur Excuse My French, label où l'on retrouve notamment Hippocampe Fou.
« Moi j’vais essayer de vous raconter des histoires » dit-elle dans son live pour La Grande Party, et c’est ce qu’elle fait avec brio. George Ka, c’est la prose qui écarte les préjugés en toute décomplexion ; une poétesse qui dépeint la modernité avec des paroles justes et affûtées sur des beats entraînants. Dans cet EP, certains thèmes sont autobiographiques et nous parlent d’une époque où les soirées existaient encore, d’enfance, de métissage, de féminisme : en parlant de son vécu, elle vise nos cœurs.
Avec « Princesse Mononoke », où elle s’adresse à sa nièce, ce qui semble être une comptine innocente devient une tirade exutoire qui mate les idées reçues avec tendresse : « T’es belle, et ne t’en excuses jamais / Ne dis ni pardon ni merci mais dis leur simplement je sais ». Elle tire ses influences d'Oxmo Puccino ou Keny Arkana, mais ses histoires à elle sont la promesse d’un monde où le genre n’est ni une excuse ni un motif de jugements.
Plus loin, elle démembre les clichés hommes / femmes dans « Garçon Manqué, Fille Manquante » qu’elle a tout récemment clippé, en mettant en scène l’équipe parisienne de roller derby La Boucherie. Des corps de femmes dans des mouvements qu’un « on » sociétal qualifierait de masculins ; et sans langue de bois, elle condamne ces comportements jusqu’à l’intime : « Pourquoi fille est objet passif, pourquoi garçon / Est celui à qui dans l’intime on confie l’action / Celui qui prend par derrière, sur la table, par surprise / Pourquoi pour du plaisir mutuel, garçon prend et fille est prise ». Elle se balade dans des soirées qui manquent aujourd'hui, entre une situation préméditée sur « Par Avance » et ce groupe de filles un peu trop bruyantes dans « Jolies Personnes ». Celles qu'on aime détester, ou dans lesquelles on ne se reconnaît que trop bien.
Avec « Saïgon » elle parle sans doute à la moitié de cette planète en évoquant son métissage. Chanson née des suites d’un voyage de plusieurs mois au Viêt Nam en 2015 et de ses propres origines, on revit avec elle des souvenirs, des dégoûts et des frustrations qu’elle narre avec ses mots tranchants. « Y a la bande classique de mecs en road trip Asie du sud-est / Certains gueulent leur commande comme des colons / Aux serveuses qui parlent pas anglais et qui n’ont jamais pris l’avion / À elles leur boss a répété que l’homme blanc était roi ». Elle évoque Gaël Faye et son travail artistique sur le métissage comme une influence déterminante.
George Ka, c’est le pouvoir d’évoquer en nous une réminiscence insoupçonnée, par des scènes qu’elle décrit et déconstruit en des vérités troublantes. La voix suave et authentique, le flow posé sur une musique soignée, elle nous en raconte, des histoires, et franchement on espère qu’elle ne va pas s’arrêter là.