Papitas 2

Estee Nack + Giallo Point

#23INCREDIBLEINDUSTRIES – 2025
par Simon, il y a 14 heures
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Il y a deux types de supporters de foot qui peuvent connaître le grand frisson chaque week-end : ceux qui supportent des clubs historiquement placés dans le tiers supérieur de la ligue, pour qui chaque match représente un enjeu pour le titre et ceux qui, à l’inverse, se doivent de grappiller chaque point possible pour éviter le piège de la relégation. Puis il y a ce troisième supporter, beaucoup moins chanceux pour le coup. Celui-là, il supporte une équipe du ventre mou. Si son équipe n’a aucune chance de finir tout en haut, elle ne va pas non plus faire la bascule dans la division inférieure. Elle est juste là, à jouer ses matchs sans que personne ne la regarde vraiment, à part son noyau dur de supporters. Tu voulais vivre la vie d’un Madridiste au Bernabéu, tu te retrouves finalement toutes les deux semaines à Den Dreef à supporter Oud-Heverlee Louvain.

D’une certaine manière, et je mesurerai mon propos par la suite, Estee Nack c’est ce club qui bande un peu mou à partir de la cinquième journée de championnat. Ou plutôt, et la nuance est importante, c’est ce club qui ne fera jamais la nique au FC Bruges. Est-ce un manque de moyens ? Un coach un tout petit peu juste tactiquement ? Ou simplement une concurrence au-dessus ? Probablement un peu de tout ça à la fois. Et c’est dommage parce que ce Papitas 2 ne fait absolument rien de travers. Mieux, il ne connait aucune défaite à proprement parler. Affilié au collectif Griselda (qui d’autre en 2025?), le rappeur de Lynn est une version de poche de tout ce qui fait la crème de la scène néo boom-bap : donc, plutôt que de travailler avec The Alchemist, celui-ci se fait accompagner par Giallo Point, producteur anglais qui travaille avec tout le subtop. Et à défaut de taper des featurings avec Roc Marciano, on bosse avec CRIMEAPPLE. Même son « Ayo » d’introduction sur la plupart des titres de ce Papitas 2 sonne comme une copie un peu faiblarde de celui de Westside Gunn. Comme dirait Fabe : « Paris c’est pas New-York, non plus ».

Et pourtant, ça joue bien au ballon ici. Drôlement bien, même. Et c’est le drame ultime de cette histoire : Papitas 2 est d’une certaine manière intouchable. Le flow est carré, les productions font ce qu’il y a de meilleur dans la veine jazzeuse (avec ou sans rythmique, comme d’habitude), les featurings sont toujours aussi interchangeables quand ça ne rappe pas en espagnol. Tout le monde tient magnifiquement son rang, avance en ligne et réussit à jouer balle au sol. Difficile d’ailleurs de dire ce qui condamne Estee Nack à se voir refuser les projecteurs. Peut-être son incapacité à effectuer des retournées en un temps sur corner. Ou alors à déborder toute une défense en un mouvement de hanche. Peut-être aussi qu’il attire juste moins la caméra, que sa gueule revient moins bien à la lumière. Papitas 2 est un disque pour les amateurs un peu hardcore, qui savent apprécier le beau jeu là où il est. Peu importe si ça brille un peu moins, ceux-là savent reconnaître une vraie lecture de jeu pragmatique dans le milieu de terrain, une belle transversale ou le sacrifice d’un attaquant forcé de dézoner. À la fin, on s’en fout un peu qu’on le marque du genou en tombant ou d’un extérieur dans la lucarne: un goal est un goal.

Le goût des autres :