Paper Mâché Dream Balloon

King Gizzard & The Lizard Wizard

ATO Records – 2015
par Pierre, le 23 novembre 2015
8

Rien ne va plus au sein du vivier psychédélique. Jusque là pourtant, tout se passait bien: tout le monde batifolait dans son coin et la mare lysergique était paisible. Ca grouillait de partout mais le plus gros, c’était Tame Impala. Et c’est vrai que les Australiens avaient frappé un grand et magnifique coup, définissant quasiment à eux seuls le psychédélisme des années 2010. Pourtant, pendant ce temps-là grandissait dans les profondeurs du plan d’eau celui qui allait à nouveau tout chambouler. Mais personne ne s’en souciait encore.

King Gizzard & The Lizard Wizard a déjà sorti 4 albums lorsque paraît I’m In Your Mind Fuzz en 2014, coup de maître où les compatriotes de Kevin Parker proposent pour la première fois la véritable alternative au psychédélisme de Tame Impala. Atmosphères sombres, presque oppressantes, dépeintes par une musique violemment acide aux singulières touches krautrock : voilà la réponse du Roi Gésier au formidable Lonerism de ses grands frères. Directement, le disque est encensé par la critique. La mare devient alors trop petite, les deux géants trop opposés. Parce que KG&LW et Tame Impala sont clairement l’alpha et l’oméga de la musique psychédélique actuelle, le yin et le yang. Et puis, par l’odeur des dollars alléché, Tame Impala vise de plus grandes étendues. Ras le bol de cette flaque d’eau, le groupe rêve plus grand avec Currents. A grands coups de synthés raccoleurs, de bricoles d’ingé-son entendues des centaines de fois auparavant et de mélodies fédératrices, le groupe saute hors de l’eau et rejoint ainsi le cercle très (mé)prisé des groupes ultra-bankables.

Et une fois de plus, lorsque Tame Impala sort l’artillerie lourde, les gros billets et le marketing herculéen, que fait King Gizzard ? Tout le contraire. Simple hasard ou bien véritable pied de nez, les sept compères nous offrent un album totalement acoustique et étrangement intimiste où la bande de joyeux tarés délaisse les pédales fuzz pour le piano et la flûte. Après nous avoir bien giflé la tronche avec I’m In Your Mind Fuzz, ce Paper Maché Dream Balloon est donc en quelque sorte le bisou qui guérit, un antidépresseur plus que bienvenu - ou un échec commercial annoncé. Ambiance chocolat chaud, fête du village et feu de bois, l’album en déroutera plus d’un tant il est différent de ce qu’a proposé le collectif australien jusque là. Le Roi Gésier nous plonge désormais dans une musique ludique, enthousiasmante et dépeint avec une sacrée dose d’humour sa version des paradis artificiels. Un foutu spécimen tant cet album pourrait être la B.O. des Sims au pays du LSD.

Car plutôt que de se cramer le cortex et voir leurs neurones en fumée s’en aller, les gars de Melbourne se remettent sans cesse en question, fourmillent d’idées et découvrent donc continuellement de nouvelles contrées acides. En bons conquérants, ils n’oublient certes pas de marquer leur territoire et laissent leur patte, reconnaissable entre mille, un peu partout. Et on ne peut que respecter un groupe réussissant à placer un nom aussi con en haut de l’affiche. Tout en haut.