PANDEMONIUM
Vald

Écrire sur Vald en 2025 semble aussi compliqué que trouver un fil conducteur dans la carrière de Michy Batshuayi. Le rappeur d'ASB est passé par tous les styles, par toutes les comparaisons, commençant sa carrière dans des posse cuts de l’underground avant de devenir une popstar un peu alternative que tout le monde s’arrache. Ou du moins jusqu’en 2019, avec la sortie du blockbuster Ce monde est cruel, un disque décevant mais qui reste l’album le plus streamé du V.
Les années qui suivirent furent en revanche moins roses avec une tournée annulée en 2020 à cause d’une curieuse pandémie, puis l’échec monumental d’un single (« Footballeur ») qui aurait pu enterrer sa carrière, le plantage de son écurie de jeunes talents issue de son label Echelon Records et un V assez random. Dans un monde en perpétuelle accélération, Vald risquait de perdre définitivement son statut d’incontournable s’il ne transformait pas rapidement l’essai à la manière d’un Steven Defour juste avant son exclusion lors de son premier match sous les couleurs mauves à Sclessin. Autant dire que PANDEMONIUM, avec son titre qui rappelle l’univers sombre et complotiste auquel Vald se réfère toujours, était attendu au tournant.
Nous-mêmes avons eu du mal à entrer dans l’album, avec des morceaux sur des sujets pas forcément tabous mais dont on ne parle pas non plus en toute décontraction (la vieillesse, l’addiction à la pornographie, le brainrot des réseaux, l’illibéralisme et on en passe), et des réflexions sans filtre de celui qui se dit « philosophe à mi-temps, sociologue au chômage ». Le single « GAUCHE DROITE » illustre parfaitement ce propos. On a eu tort de le mépriser à sa sortie pour les lieux communs qu'il débite car c'était oublier que Vald a toujours reconnu son absence de culture politique et a toujours affiché l’humilité du mec qui passe son temps à glander derrière son PC. Sur tous les sujets évoqués plus haut, il parvient à proposer un regard neuf, légèrement décalé et rempli d’autodérision. Et même si comparaison n’est pas raison comme aime à le rappeler un célèbre philosophe normand en roue libre depuis 10 ans, « FLPVCOF » est un tout aussi bon morceau sur le pougnage 2.0. que le cultissime « Bistouflex » de Seth Gueko.
C’est cette authenticité qui fait qu’on parvient à faire preuve d'empathie jusqu'à transformer Vald en un personnage attachant, un quidam rempli de défauts dans lesquels on peut aisément s'identifier et rigoler autant de lui que de soi. Pas de haine ou d’attaque frontale cachée derrière les poses golri façon Orelsan, ici on a plutôt affaire à un gars chill, quoique bourré d'angoisses, mais qui ne s’invente pas de combat comme disait déjà Despo Rutti en 2010 sur « Convictions suicidaires » et que le V name-droppe sur un « Interlude » paradoxalement fédérateur. Et puis derrière cette fausse nonchalance, il y a un beau boulot d’écriture qui rend beaucoup de passages a priori désespérants vraiment marrants, et un travail impeccable du producteur BBP qui s’entend comme cul et chemise avec V.
Fort heureusement, sur cet album qui nous fait souvent sourire, Vald ne commet par l'erreur de tout tourner à la rigolade, comme lorsqu'il évoque le deuil de sa mère - et peut-être aussi celui de son producteur et collaborateur de longue date Dolor. « PARADIS PERDU » est en cela une véritable performance dans sa façon de rendre hommage à sa daronne via les expressions qu’elle utilisait couramment et que nous honorerons probablement à notre façon lorsque nous reprendrons toutes et tous en chœur les « Oh, mais où tu vas chercher tout çaaaaaaaaaa ?» cet été. Le rap français tient déjà sa plus belle remontada de 2025.