Palermo
Conway The Machine
En mai dernier, Conway The Machine se voyait contraint de reporter sa tournée américaine après s’être fracturé le tibia. Sur le pourquoi du comment, le MC ne s’est jamais expliqué, ce qui laisse à penser que l’histoireest bien moins "street crédible" que celle qui a contribué à sa légende (en 2012, il se prenait plusieurs balles, causant une paralysie partielle de son visage qui lui a donné ce flow droopy-esque).
On aurait pu penser que ce douloureux contre-temps allait être l’occasion pour ce stakhanoviste du rap de se reposer. C’était mal le connaître : non content d’avoir enregistré un album juste avant (le fort dispensable Won’t He Do It), Conway a enchaîné sur des projets collaboratifs avec Conductor Williams (Conductor Machine), Jae Skeese (Pain Provided Profit) ou 38 Spesh (Speshal Machinery).
Mais c’est peut-être celui dont on a le moins parlé qui mérite le plus votre attention : Palermo, dont tous les titres sont produits par l’Allemand Wun Two. Son nom ne vous dit rien ? C’est tout à fait normal, puisque son seul fait d’armes notable est ce titre pour Rejjie Snow. En tout cas, avoir vent de l’existence de Palermo n’était pas une mince affaire : comme pour bien s’assurer qu’on passe à côté, il est arrivé entre Noël et Nouvel An, et presqu’en même temps qu’Hall & Nash 2, EP aux côtés de Westside Gunn entièrement produit par The Alchemist, et finalement sorti après avoir traîné sur une disque dur pendant des années.
Pourtant, Palermo est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée à un rappeur qui vieillit un peu moins bien que ses anciens collègues de Griselda - label qu’il a quitté en 2022. À force de se démultiplier, le flow traînant de Conway finit lasser, tant et si bien que parfois on ne sait trop s’il vire à la caricature, s’il a un irrémédiable coup de mou ou s’il n’émerveille plus parce qu’on le croise trop souvent sur des projets qui ne lui conviennent pas.
En tout cas, on se réjouit d’entendre sur Palermo tout ce qui permet à Conway de retrouver des couleurs : sur un projet dont l’illustration (un cliché de Letizia Battaglia, palermitaine connue pour avoir documenté en images l’impact de la Camorra sur sa ville) renvoie à ces projets qui lui avaient permis de voir plus loin que les places de deal de Buffalo (on pense à la trilogie Everybody Is F.O.O.D.), Conway retrouve les impasses lugubres du boom bap, là où son personnage se sent le plus à l’aise. Dans un minimalisme vaporeux qui n’est pas sans rappeler DJ Muggs, Wun Two caresse Conway dans le sens du poil, et ce dernier n’a plus qu’à dérouler ses histoires de tonton de la dope. Clairement, on est ici dans le fan service le plus basique, mais Conway en avait besoin. Et nous aussi.