Pain

Deaf Wish

Sub Pop – 2015
par Quentin, le 28 septembre 2015
7

Sous le soleil australien et dans l'ombre du rock-psyché de Tame Impala, grandit depuis 8 ans un bestiole bien plus énervée. Deaf Wish, c'est l'histoire de ce groupe à l'esprit punk qui s'est construit sans jamais penser à la suite : "Let's not make anything that's going to last. If we're together for just two shows, then that's what it is." Pourtant, depuis le premier CD-R sorti en 2007, le projet fait toujours parler de lui et de plus en plus en dehors de ses frontières. En 2014, le quatuor sortait discrètement le très bon EP 4 titres Saint Vincent sur Sub Pop. Avec Pain, ce groupe censé être éphémère nous prouve qu'il a bien fait d'insister. En 10 chansons et 30 minutes, Deaf Wish voyage en dehors du champ d'action mainstream pour produire un disque puissant, indépendant de toute esthétique léchée.

Quand on est dans la posture de Deaf Wish, on peut se dire qu'on n'a rien à perdre puisqu'on n'a jamais voulu gagner quelque chose. Partant de là, on comprend mieux la construction bordélique de l'album. Un chaos qui reste quand même super efficace dans sa globalité. Tour à tour, les membres du groupe passent derrière le micro. Démarche rare et qui provoque plusieurs cassures de styles. Mais toute la force du projet se situe précisément dans cette volonté de délaisser la construction formatée au profit d'une création brute et sincère. C'est dans ces cassures qu'on se rend alors compte de l'habilité avec laquelle le groupe mène sa barque.

Mais puisque l'album est (trop) court, voici une rapide description piste par piste. La plage d'ouverture, "The Whip"ressemble à s'y méprendre à une incantation de Michael Gira (le tyran qui gère Swans) en format réduit. En d'autre mots, une orchestration instrumentale au service d'une vague de puissance. Et de puissance il en est question sur les deux plages suivantes, résolument punk 1.0, et torchées en respectivement 1'12" et 1'26". "Sunset's Fools" se présente comme un temps de repos, un ballade au milieu du chaos. Mais "Eyes Closed" et "Pain" sont là pour nous reprendre de volée. Impossible ensuite de passer à côté de la comparaison avec Sonic Youth sur "Sex Witch" et "On". "In my heart, there's blood. In my heart, there's is only blood" seront les seules paroles à entendre sur "Dead Air", 6 minutes de rock-garage-psyché proches de ce que peut produire John Dwyer, la tête pensante de Thee Oh Sees. L'album se clôture sur "Calypso"ballade dissonante qui s'impose comme la synthèse de tous les morceaux...  

Ce n'est pas nouveau, de très nombreux groupes (et pas des moindres) se sont pris les pieds dans le tapis en misant sur un album proposant différents styles. A l'inverse, Deaf Wish semble trouver son énergie et son authenticité via ce processus anarchique. Fidèle à la mentalité du style, le groupe semble guidé par l'immédiateté sans perdre de vue l'efficacité et Pain sonne comme un recueil cohérent d'éléments dissonants. Une galette qui redonne quelques lettres de noblesses à ce que Lester Bangs appelait le punk, à ne surtout pas confondre avec ceci