Paciencia
Phillipi & Rodrigo
On l’avait senti venir et ça n’a pas loupé : le Zandoli de Charlotte Adigéry cartonne. En soi ce n’est pas un problème, c’est même une excellente nouvelle pour tous les amateurs d’electro-pop tirée au cordeau. Le problème, c’est que ce succès fait passer au second plan une autre sortie estampillée DEEWEE, à savoir le premier album de Phillipi & Rodrigo. Pourtant, les arguments de vente ne manquent pas : d’abord et comme toutes les autres sorties du label, le disque a été enregistré, produit et mixé dans les studios belges de DEEWEE, où l’on sait que les frères Dewaele (Soulwax donc) ne sont jamais bien loin et endossent un costume de despotes éclaires de la scène électronique belge. Ensuite, ces derniers montent au créneau pour défendre un disque qu’il nous vendent comme « Stereolab chantant en portugais tandis qu’un groupe de batucada se produit pendant une rave sur une plage brésilienne ». Dit comme ça, l’envie d’y croire est réelle même si, soyons honnêtes, cette phrase tient davantage de la punchline bravache que de l’exacte description. Car si l’on peut tout à fait imaginer que Phillipi Alves et Rodrigo Gorky ont appris le psychédélisme au contact de groupes « à guitares », c’est de l’interprétation de cette même idée du psychédélisme par certains artistes électroniques que le groupe semble s’inspirer. En d’autres termes, on est moins proches de MGMT et des Flaming Lips que de Red Axes et Mattias Aguayo. La question du cadre et des balises évacuée, il faut alors se pencher sur un disque dont l’absence totale d’opportunisme lui confère un vrai potentiel de grower. Car à la rigueur du modèle DEEWEE tel que codifié par Stephen et David Dewaele, Phillipi et Rodrigo opposent une décontraction bien latine. De cette saine opposition de styles naît un disque aux airs de jumelage géant entre Gand, Ibiza, São Paulo et Berlin. Et si dans ses deux premiers tiers le disque est un peu tiraillé entre la nécessité de respecter le cahier des charges (« Karma » semble avoir été écrit pour figurer sur un album de Soulwax) et l’envie de travailler librement, c’est dans sa dernière ligne droite qu’il trouve le plus juste équilibre, se terminant sur un titre impeccable, « Paciencia », qui résume en cinq minutes ce que toutes les personnes ayant participé au disque devaient avoir en tête quand ils se sont mis à la tâche. Bref, et si le meilleur restait à venir?