Otherness
Alexisonfire
Quelle drôle de carrière que celle des Canadiens d'Alexisonfire. Grâce à une trilogie qui l'a érigé en formation majeure du post-hardcore (Alexisonfire en 2002, Watch Out! en 2004, et Crisis en 2006), le groupe semblait inarrêtable. Puis vint le feignant Old Crows / Young Cardinals en 2009, une paire d'EPs fadasses, et puis plus rien. Divers side projects suivront puis en 2019, c'est la grande réunion. Un enthousiasme d'abord douché par deux singles tout au plus corrects, puis ravivé par "Season of the Flood" en 2020, excellent indicateur de ce qui allait suivre : un album dans la droite lignée de la discographie du groupe, et qui n'est heureusement pas qu'un regard pur et simple vers le passé.
Car Otherness s'appuie sur des influences plus lentes et prog qu'à l'accoutumée - il s'agit d'ailleurs de l'album le plus long de la discographie du groupe. Certes il y a bien des morceaux comme "Committed to the Con" pour usiner du riff lourd et des ambiances hardcore, mais les influences les plus évidentes Otherness sont le rock alternatif et le stoner. Et puis parfois tout ce petit monde entre en fusion, comme sur le monumental "Sweet Dreams of Otherness", avec un refrain qui n'est pas sans rappeler Cult of Luna. Mais la véritable force des Canadiens sue Otherness, c'est de varier la formule: si "Dark Night of the Soul" frappe fort avec son post-hardcore aux accents stoner, il s'ouvre d'abord sur des chœurs gospel et se fait interrompre par une interlude psychédélique aux synthés tout droit sortis de la maison ALT 236. On retrouve également cette soif d'expérimentation sur le morceau final "World Stops Turning", dont les huit minutes consistent en un long crescendo où le soli de guitare répondent aux démonstrations vocales des trois chanteurs du groupe, dont la complémentarité n'est plus à démontrer.
On regrettera quand même que la production manque cruellement de punch - on ne va pas leur en vouloir, ils ont tout mixé eux-mêmes. Et si on perd des petits détails qui venaient autrefois enrichir les plus lourds de leurs titres, tous cela sera très certainement compensé par l'habituelle force de frappe dont le groupe peut se prévaloir en concert - oui, il sera en Europe à l'automne. Sans perdre ce sentiment de familiarité confortable et de nostalgie que l'on peut attendre d'un groupe aussi important pour toute une scène, Otherness parvient à présenter la musique d'Alexisonfire sous un jour nouveau, plus atmosphérique mais toujours aussi rassembleuse et hymnique.