OSO
Caballero
Ils sont de retour, mais est-ce pour le meilleur? En 2018, Double Hélice 3 avait envoyé Caballero & JeanJass sur une pente très savonneuse: certes, les deux compères ont toujours tenu à combiner amour du hip hop et esprit festif et décalé, mais ils commençaient à davantage ressembler aux Chevaliers du Fiel qu’à Tandem. La parenthèse High & Fines Herbes a fait du bien, mais avant de se retrouver le Bruxellois et le Carolo ont voulu tenter l’aventure solo. Mais Caba et JJ sont comme des jumeaux : même séparés, ils sont inséparables. Du coup, la sortie simultanée de OSO et Hat Trick peut en laisser certains dubitatifs, tant elle met les deux albums en concurrence. Surtout que dans le cas d’espèce, un disque vaut clairement plus le coup que l’autre. Pas de bol pour Caballero.
À l'époque de son dernier projet solo (Le Pont de la Reine, 2014), Caba célébrait New York et ses rappeurs les plus stricts, et avait tout des MCs prototypiques de la grosse pomme, à vanter ses rimes et ses sapes avec une élégance lyricale évidente. C'est d'ailleurs vers cette époque que la connexion entre lui et Alpha Wann s'était faite pour donner naissance à la "FFF", la Fédération Francophone du Feu. Évoquer ici le Don n'est pas anodin, puisque celui-ci a en quelque sorte écrit le blueprint pour tous les "cracheurs de feu" de sa génération. Avec UMLA, les "rappeurs qui rappent" sont redevenus cool, bankable et plébiscités par une partie des auditeurs francophones. Les attentes placées sur OSO ressemblent alors sensiblement à celle que l'on avait à l'époque pour Alpha Wann: le bon peuple du rap veut du découpage en bonne et due forme, une écriture irrésistible et un nombre important de "quotables", le tout entrecoupé de moments introspectifs narrant les spécificités de l'auteur.
Le cahier des charges est rempli sur OSO. Mais comme Fred Musa, on n'apprécie qu'à moitié la deuxième partie de l'album, celle qui débute après l'interlude sur lequel Caba se met à nu comme jamais auparavant, racontant sa mutation dans la ville de Bruxelles. On pourrait d'ailleurs dire de celle-ci qu'elle est le personnage principal de ce double album tant le cosmopolitisme qu'elle abrite y joue un rôle fondamental dans les voix, les sons et la richesse du projet. Caballero met en scène sa binationalité à plusieurs endroits, sur "Ya no sé" ou "Arriba" avec le très doué PLK, et en fait le ciment de son récit sur "Bizarrement". C'est véritablement sur ce morceau, véritable chef d'œuvre, que Caballero combine le mieux ses qualités de conteur et son côté solaire en passant par différentes étapes de sa vie, de l'adultère de sa mère lorsqu'il était enfant jusqu'à un accident qui aurait pu lui être fatal lors de la célébration de ses 30 ans.
Pour autant, l'introspection n'est pas ce que Caba fait de mieux, et cette deuxième partie devient assez rapidement triviale, quand elle ne traîne pas en longueur. Elle n'est jamais désagréable pour autant, car Caballero est un incroyable rappeur, chose qu'il affirme avec sérénité sur une première partie de disque dédiée au drip et aux bangers. Là aussi néanmoins, des morceaux sont superflus, et certaines performances de haute volée rendent d'autres titres insipides à l'instar d'"Altesse", hantée par le néant pendant 2 longues minutes. C'est dans cette même ambiance de vacuité que se termine OSO: mais l'assommant "Différente" n'est pas assez mauvais pour nous faire oublier le "Goût du beurre" qui le précédait; un diptyque qui résume finalement assez bien ce premier effort solo : entre le brillant et le moyen, Caba a décidé de ne pas choisir. Et ça, c'est vraiment dégueulasse.