One True Vine
Mavis Staples
L’histoire récente de la musique est bourrée d’exemple de collaborations entre jeunes et vieux. Mais s’essayer à en citer quelques uns relève de l’exercice aussi vain qu’interminable. Par contre, on peut affirmer que les résultats, en plus d’être de qualité variable, ne témoignent pas toujours d’un juste équilibre dans la répartition des tâches ou des responsabilités – entre le jeunot talentueux mais trop respectueux et la vieille branche qui se croit sortie de la cuisse de Jupiter, ça coince souvent. Mais parmi les plus belles unions de ces dernières, on garde à l’esprit celle entre Jack White et Loretta Lynn. A l’époque (en 2004), celui qui était encore au sommet de la hype avec les White Stripes à 28 ans seulement essayait ses techniques de production sur le nouvel album d’une légende de la country alors âgée de 72 ans. Un résultat d’une cohérence folle et d’une rare beauté, malheureusement trop peu relayé de ce côté-ci de l’Atlantique.
Heureusement, le nouvel album de Mavis Staples sert d’occasion rêvée pour s’offrir une petite séance de rattrapage et commencer le papier autrement que par un copier/coller de la biographie récente de la dame. Car pour la deuxième fois en trois ans, la septuagénaire fait appel à l’un des songwriters les plus géniaux de sa génération, Jeff Tweedy. Ici aussi, c’est principalement en sa qualité de producteur que le boss de Wilco officie, mais se permettant également de jouer de tous les instruments sur le disque (sauf la batterie, laissée à son fils Spencer) et offrant même trois compositions à celle qui a longtemps été une figure de proue de la défense des droits civiques aux Etats-Unis. Et donc, trois ans après Your Are Not Alone, One True Vine s’affirme comme le mariage parfait entre le gospel traditionnaliste d’une Mavis Staple qui a compris qu’à son âge il ne fallait certainement plus en faire des caisses pour en foutre plein la vue, et les valeurs folk d’un Jeff Tweedy tout aussi apaisé et serein que sur les derniers albums de Wilco.
Ainsi, à la voix posée mais tellement évocatrice de Mavis Staples vient se greffer la production mi-gospel mi-americana du songwriter chicagoan, pour un résultat à la fois émouvant et attachant. Lent certes, mais tellement élégant. Car si certains reprocheront à One True Vine une certaine apathie, c’est probablement parce qu’ils seront passés à côté de ses intentions véritables du projet: One True Vine est de ces disques qui prennent le temps de se poser pour mieux revenir sur les aléas d’une vie qui, dans le cas de Mavis Staples, n’aura pas manqué d’être exceptionnelle. Une vie où les grandes joies et les petits bonheurs ont été aussi nombreux et importants que les longs passages à vides ou les moments de tristesse indicible. One True Vine serait-il la plus belle biographie de Mavis Staples écrite à ce jour ? C’est bien possible…