Old ideas
Leonard Cohen
« Le jazz n'est pas mort, c'est juste qu'il a une drôle d'odeur ». La citation est de Frank Zappa, et date du beau milieu des années 1970, mais elle pourrait s’appliquer à Leonard Cohen, qui n’était, à l’époque, déjà plus tout jeune et trainait son spleen depuis quelques années. Dépressif à souhait, l’auteur de l’émouvant « Hallelujah » inscrit son douzième album, Old ideas, dans la même voie : grave.
La voix non plus ne change pas : rauque et profonde comme celle d’un prêcheur éreinté. Mais à bientôt 78 ans, le Montréalais n’a pas perdu de sa superbe. Poète hors-pair, auteur-compositeur-interprète de très haut vol, Cohen raconte comme personne. Il raconte la misanthropie, l’amour, mais pas seulement. Capable de jouer de son autodérision, l’artiste signe même une entrée en matière qui prête à sourire, se dépeignant comme un « bâtard fainéant qui vit en costume »… une image qui semble assez juste : Leonard se laisse tout simplement porter par son génie. « Amen » est le parfait exemple de cette facilité qui l’habite. Lascif, Cohen y supplie l’amour pendant plus de sept minutes enchantées par des pianos touchants et des violons quasi larmoyants.
On ne saurait trop classer ce disque aux accents tantôt jazzy et bluesy, tantôt presque pop. « Different sides » clotûre d’ailleurs l’album sur une touche plus mainstream, dans une danse amour-haineuse entre claviers (dont il est fait usage tout au long des dix titres). Certains diront sans doute qu’Old ideas sent « la vieille moquette piétinée » et ils n’auront pas forcément tort, l’ambiance est un peu celle d’une chambre d’hôtel entre deux coïts: voluptueuse mais pas franchement heureuse. Quoi qu’il en soit, Old Ideas deviendra rapidement le meilleur ami de vos soirées vodka-prozac. Alternant franchement bon et tout bonnement excellent, Old ideas incarne un magnifique retour aux affaires du chantre canadien, après huit années loin des studios d’enregistrement.