Odd Blood
Yeasayer
Impossible de dire que le premier album de Yeasayer n'était pas un excellent premier jet, qui faisait efficacement le lien entre les expérimentations orgiaques d'Animal Collective et les inflexions soulful de TV On The Radio. Pourtant All Hour Cymbals
a interrogé, divisé même, non pas sur sa qualité intrinsèque mais sur la valeur à donner à cette réussite : était-ce un coup de maître, la naissance d'une "big thing", ou bien simplement un opportunisme de bon goût, une appropriation pertinente de l'air du temps ? Je tendais à penser qu'on tenait là un groupe anormalement doué, capable de ramener tout et n'importe quoi dans les canons de la pop, capable de dicter à son tour le chemin à suivre pour les générations prochaines. Peut-être me suis-je trompé, après tout, et que les sceptiques avaient raison : Yeasayer n'est sans doute pas un très grand groupe.
Odd Blood, leur deuxième album, n'est pas de la grandeur de ceux qui font autorité. Il n'impressionne pas, ne déstabilise que très peu, ne fait pas voyager bien loin. On peut dès à présent faire le deuil d'un génie qu'on espérait au travail: il n'est pas ici question de faire avancer le schmilblick ou de chercher le chef d'œuvre. Odd Blood est d'abord et avant tout un disque hédoniste qui marche sur les traces de MGMT. Yeasayer ne s'embarrasse plus d'ambiances travaillées ou d'arrangements alambiqués, ils foncent droit au but avec des hymnes déviants un peu vulgaires, pas mal synthétiques et trop vite agaçants. Beats électroniques, vocoders et synthés hurlants occupent une place prépondérante – voire essentielle – dans l'écriture des morceaux. C'est franchement lourd à digérer et cela n'aide pas un album qui a toutes les peines du monde à trouver son rythme de croisière et ses mélodies fortes. Qu'on se comprenne toutefois bien : Yeasayer reste un groupe compétent, Odd Blood a ses bonnes idées et ses doses d'excentricité, il possède même des tubes à fort potentiel ("One", "Mondegreen"), mais cela reste mineur et oubliable, secondaire par rapport aux mètres étalons de la pop contemporaine. Yeasayer, outsider en CDI ?