Not Waving, But Drowning
Loyle Carner
Il y a des disques au sujet desquels on pourrait frénétiquement noircir des pages entières avant même d’en aborder le contenu à proprement parler - parce que c’est le contexte dans lequel il paraît qui veut ça, ou parce qu’il y a parfois plus à dire sur le géniteur que sur le fruit de son travail.
Dans le cas de Loyle Carner, c’est tout le contraire : rarement on a été aussi désemparé face à une sortie aussi importante. La raison tient ici principalement à la personnalité de l’Anglais : avec Yesterday’s Gone, il a imposé - un peu à son corps défendant - son personnage de gendre parfait du rap anglais à qui l’on ne peut strictement rien reprocher puisqu’il ne donne pas son avis sur tout, ne gesticule pas sur les réseaux sociaux à longueur d’année. Par ailleurs, il ne faut pas de nombreuses écoutes de Not Waving, But Drowning pour se rendre compte que ce second album est la copie carbone du premier : Loyle Carner y témoigne encore et toujours toute l’admiration qu’il porte aux discographies de The Roots et A Tribe Called Quest, débite ses jolies histoires ou ses tranches de vie avec une sincérité désarmante, et rappelle dès qu’il le peut combien son papa et sa maman sont des gens sans qui il ne serait rien.
Jusqu’ici, tout va bien. Sauf que les passages répétés du disque sur la platine font place à sentiment de redite un brin gênant, qu’une production aux petits oignons ne peut masquer, et que certains titres carrément anodins n’aident pas à atténuer. Pire encore, là où il rayonnait sur un Yesterday’s Gone qu’il habitait de la cave au grenier, il arrive régulièrement à Loyle Carner de se faire voler la vedette par des invités qui ne se gênent pas pour prendre le titre à leur compte (on pense ici à Jordan Rakei, Sampha ou Jorja Smith), comme s’ils étaient conscients qu’ils étaient les seuls capables de sauver le titre de sa banalité. Bien sûr, il reste à ce second album quelques jolis moments et une poignée de singles impeccables (« You Don’t Know » résiste aux répétions frénétiques) pour éviter la case prison, mais Not Waving, But Drowning se révèle trop inégal ou trop peu inspiré pour ne susciter autre chose qu’une sympathie polie.
On ne sait trop dire si Loyle Carner est arrivé au bout d’une logique (après tout, ses modèles cités plus haut ont toujours su se réinventer) ou si on se trouve face à petit accident de parcours pas bien grave, mais une chose est sûre : si l’on ne doute pas trop de sa capacité à faire exister le disque en live, sa version studio ne permet pas de concrétiser les espoirs un peu (trop?) fous que l’on avait placé en lui.