No Cities to Love
Sleater-Kinney
Dans le défilé sans fin des reformations, certaines prêtent davantage le flanc à la critique que d’autres. En tous cas, sur le papier et dans le cœur des fans de la première heure. Certains, dont vous faites peut-être partie, auront ainsi vécu le chaos flasque des nineties / noughties à travers le prisme sonore de quelques groupes pour qui intransigeance, don de soi et exigence avaient une valeur non diluable au fil des années. On pourrait citer en vrac Fugazi, Les Savy Fav, At The Drive-In ou encore Throwing Muses. Sleater-Kinney fait clairement partie de cette catégorie. On ne va pas vous refaire l’historique, mais Corin Tucker, Carrie Brownstein et Janet Weiss ont certainement dû susciter quelques vocations, autant par la qualité de leur musique que par l’aura dégagée par leurs personnalités. Le problème étant que lorsque l’on termine sa carrière avec un album de la trempe de The Woods, remettre le couvert après, c’est un peu comme prendre le risque de proposer des huîtres en fin de repas après une bûche à la crème de marrons. Un risque que peu prendront.
Le groupe avait donc achevé sa carrière de la plus belle des manières , en signant tout simplement son album le plus puissant, le plus achevé et le plus risqué avant de dire stop et de partir essaimer dans d’autres plaines - album solo pour Corin Tucker, Wild Flag pour Carrie Bownstein et Janet Weiss après être passée par la case Stephen Malkmus and the Jicks pour cette dernière. On aurait pu leur en vouloir, mais aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs après un parcours sans faute reste tout à fait compréhensible. Huit ans plus tard, c’est donc le retour à la prairie originelle. Verdict ? Vous allez trouver la comparaison facile et peu flatteuse, mais la pochette est d’une certaine manière un bon reflet de No Cities to Love. Non pas que la musique ou l’énergie du groupe d’Olympia se soit fanée avec les ans, on ne doute pas non plus que l’envie soit réellement là. C'est juste qu'on a affaire ici à une collection de titres corrects, bien construits, bien interprétés, avec toute l’urgence et l’âpreté que l’on est en droit d’attendre de ces filles-là. C’est juste que la flamme n’est plus vraiment là pour les auditeurs fidèles et volages que nous sommes. Et ce même si on note une évolution sonore, une volonté de ne pas ressortir les vieilles formules et même quelques surprises comme sur le final « Fade ».
Pourtant il est rapidement clair que, sans parler d’île déserte, si tu devais ne prendre qu’un album du trio pour le trajet jusqu’à la station de ski ou les vacances préparation de foie-gras chez tata Odile, ça ne serait pas celui-là, c’est certain. Par conséquent, même si l’intention et la volonté de relancer la machine est ici certainement plus motivée par l’envie de rejouer ensemble plus que par la volonté de faire sonner le tiroir-caisse (ce qui n’est par ailleurs pas forcément incompatible), on se retrouve quand même avec l’album type post-reformation : honnête, mais dont tu ne te rappelleras jamais le nom.