News From Nowhere
Darkstar
Le constat ne fait pas spécialement plaisir à lire, mais s'impose à nous comme une évidence depuis un petit temps : il ne faut plus vraiment compter sur Warp pour nous faire rêver comme à la grande époque de l'IDM, celle où le label de Sheffield écrivait l'histoire à coups d'albums légendaires. Aujourd'hui, la structure se cantonne à un rôle de dépositaire de la hype.Tout le contraire d'un label comme Hyperdub, à qui l'histoire du dubstep sera pour toujours associée – un genre que la maison londonienne continue par ailleurs de faire évoluer à grands renforts de sorties essentielles.
Ces structures, les Anglais de Darkstar les connaissent bien. C'est en effet sur la dernière citée que le duo devenu trio s'est fait un nom et une réputation. D'abord avec le single "Aidy's Girl Is A Computer" et ensuite le monumental North pour lequel James Young et Aiden Whalley se sont adjoint les services du chanteur James Buttery. Le résultat? Tout simplement imparable. Un disque captivant, tantôt anxiogène tantôt libérateur, et suintant l'urbanisation par tous les pores. Un mélange imparable de post-dubstep et de synth-pop qu'on n'est pas près d'oublier. Un disque qui n'est pas passé inaperçu chez Warp, puisque le label s'est empressé de recruter Darkstar, se payant l'un de ses plus enthousiasmants transferts de son histoire récente.
Mais c'est à croire que signer sur Warp aujourd'hui est synonyme de renoncement identitaire, ou au moins de soumission à un certain diktat de la tendance, qui nous fait vite comprendre qu'en 2013, Darkstar a méchamment perdu de sa superbe. Car n'espérez pas trouver sur News from Nowhere cette beauté glaçante et cette élégance toute en retenue qui rendait North si majestueux. Il y a bien de rares tentatives plutôt réussies de poursuivre le travail de sape émotionnelle entamé sur North (on pense notamment au très beaux "Timeaway" et "A Day's Pay for a Day's Work"), mais c'est bien maigre. En fait, on a trop souvent l'impression que le groupe a un peu trop écouté Animal Collective en préparant ce deuxième album, optant ainsi pour une version électronique et édulcorée de cette pop nombriliste qui a fait des Américains ces hérauts de la musique moderne – écoutez le single "Amplified Ease", au demeurant über-effiace, si vous ne nous croyez pas. Evidemment, on n'en voudra jamais à un groupe d'évoluer, même si cela se fait dans une direction qui n'est pas pour nous plaire. Mais alors qu'il ait au moins la décence de nous pondre d'excellents titres. Et à ce petit jeu-là, on réalise assez vite que News From Nowhere manque cruellement de saveur et de relief. Trop avare en coups d'éclats, ce deuxième album se traîne, tombant dans le piège de ces ambiances faussement vaporeuses – "Hold Me Down", qui clôture le disque, est un bon exemple de l'ennui de News from Nowhere dans ses pires moments.
Vous l'aurez compris, nos attentes par rapport à ce disque étaient énormes. En s'éloignant inexorablement des dancefloors et des poses retro-futuristes esquissées lors du passage par la case Hyperdub, Darkstar a pris des risques. Vous l'aurez également compris, on ne les juge pas vraiment payants. On retiendra au final quelques morceaux d'une efficacité redoutable, qui sauvent News from Nowhere du naufrage total, mais rendent surtout les titres les plus moyens particulièrement pénibles à écouter. Quant à ceux qui désirent retrouver le Darkstar qu'ils ont aimé sur North, on leur conseille très chaudement d'investir dans le premier album de Stubborn Heart.