Negative Fascination

Silent Servant

Hospital Productions – 2012
par Simon, le 21 novembre 2012
8

Si personne n’a échappé aux ravages de ce premier album, c’est que Silent Servant possède un héritage qu’il traîne comme un vieux tatouage: sa filiation à cette nouvelle scène techno, celle-là même qui ne peut se défaire des atours industriels, drone ou post-punk. Si ses EP’s sur Semantica ou Historia y Violencia ont lancé le bonhomme sur la voie du succès d’estime, c’est véritablement le collectif Sandwell District qui a fait de lui le personnage incontournable qu’il est. Forcément, on se dit que taper de la techno avec des mecs comme Regis ou Rrose, ça forge un putain de caractère, et une grosse maîtrise des atmosphères claires-obscures au passage. C’est donc six ans après ses débuts qu’on peut apprécier les débuts de Juan Mendez – ce qui ne veut rien dire en soi, quand on voit la masse de productions qui précède -  sur Hospital Productions, label de l’inévitable Prurient.

Beaucoup ont décrit Negative Fascination comme une œuvre absolument sombre, presque méchante dans son approche, et cela nous semble pas mal exagéré. On irait même jusqu’à dire que la lumière est un élément essentiel de cette nouvelle plaque. La lumière est ici un révélateur de formes, elle met en valeur le noir par une pénétration plus ou moins forte, plus ou moins étendue, qui transperce la musique par toutes les fenêtres de ce disque. On pense à parfois à Andy Stott pour les murmures et le grain très épais des nappes environnantes ; à toute la clique techno-dub pour la profondeur (toute en sobriété ici) de certains claviers ; à Jeff Mills pour la transcendance du kick ; aux deux du couple Dopplereffekt/Drexciya pour la rigueur des avancées electro-funk, voire carrément post-punk sur certaines batteries cliquées et autre pulsations sèches. Negative Fascination est un disque fait de nombreuses références, qui se fusionnent dans une musique de cave, narrative et furieusement cohérentes. Negative Fascination n’est pas un disque qui évoque la méchanceté, il n’est pas assez nihiliste pour ça, il est juste un disque terriblement nocturne, qui isole, individualise l’auditeur dans des rengaines cycliques. Une musique qui massacre les corps par un recours systématique aux neurones les plus cramées du cerveau.

Enfin, Negative Fascination est un disque qui joue les caméléons, mais qui aligne une cohérence folle sur ses trente-cinq (trop courtes) minutes. En effet, si les pulsations jouent sur des registres différents, cette techno a en son cœur quelque chose de pur, d’implacable, d’infiniment concentré. Un disque qui ne se perd jamais, et qui trace la glace en ne laissant derrière lui que l’écume d’un LP de très haut niveau. Difficile de dire où s’arrêtera notre fascination pour ce disque, toujours est-il qu’il se présente comme une des plus grandes réussites de l’année.