Music To Be Murdered By
Eminem
On ne va pas tortiller du cul pour chier droit : Music To Be Murdered By est un ratage complet qui s'englue dans la médiocrité déprimante d'un artiste qui n'est plus que l'ombre de lui-même. Et si on tire à balles réelles dès les premières lignes, c’est que ce nouvel album d’Eminem va nous replonger dans les abysses sombres et terrifiants creusés par ses prédécesseurs, The Marshall Mathers LP 2 et Revival. Dès la première écoute, il devient évident que le rappeur de Detroit n'a nullement appris de ses erreurs et qu’il va à nouveau sombrer dans les limbes d'un rap mainstream à l'affligeant conformisme.
Premièrement, force est de constater qu'en 2020, Eminem est incapable de boucler un refrain potable ; certes cela n’a jamais été son point fort, mais on atteint ici des sommets de gênance : honnêtement, comment est-ce que l’entourage de Slim Shady a-t-il bien pu le laisser enregistrer le hook de « Farewell »? Le rappeur de 47 ans n’ayant visiblement plus grande estime pour sa propre discographie, n’y a-t-il vraiment personne dans son entourage pour taper du poing sur la table ? Et qui a bien pu valider le concept derrière le désastreux « Little Engine » ? Qui a invité Skylar Grey pour un énième featuring inspide ? Quel stagiaire a réalisé cette pochette digne d'un album de Charlie Winston ? Et enfin, n’y avait-il vraiment personne pour censurer la dégoûtante punchline sur les attentats de Manchester, qui invalide à elle-seule l'existence de ce disque ?
Orphelin d'une structure narrative cohérente, Music To Be Murdered By est un affreux foutoir où les pistes s'enchainent sans but précis. On veut nous faire croire qu'un semblant de storytelling horrorcore est présent via d’étranges interludes narrés par Alfred Hitchcock (tout s'explique), mais ils sont balancés au beau milieu de la tracklist sans qu’on ne comprenne vraiment pourquoi. Au fil de l’écoute, le disque devient un véritable supplice, et s’il nous reste un brin de motivation après le malaisant « Yah Yah », alors le terrible enchainement « Stepdad » / « Marsh » / « Never Love Again » finira par nous achever pour de bon. Pas même « Darkness », le pamphlet contre les armes à feu qui fait office de premier single, ne parviendra à nous emballer tant l'approche sent le réchauffé - ici, Eminem nous refait le coup du sample grossier en guise de refrain, et après Aerosmith et The Cranberries, cette fois-ci ce sont Simon & Garfunkel qui passent à la casserole. Quelques invités de marque permettront de remonter un court instant le disque à un niveau acceptable - on pense ici à la tonitruante Young M.A. ou encore à l’intervention impeccable de notre nouveau chouchou Don Toliver, mais pris dans son ensemble, Music To Be Murdered By restera une véritable déception pour les millions de ‘Stans’ qui étaient en droit de s’attendre à bien mieux de la part d’un rappeur considéré par beaucoup comme faisant partie du 'top 5 dead or alive'.
Mais bien vieillir dans le rap, ce n’est pas simple. Et si, il y a deux ans, Eminem était parvenu à ressusciter son alter-ego Slim Shady sur Kamikaze, il ne réitèrera pas cet exploit sur Music To Be Murdered By ; bien au contraire, il passe la plupart de son temps à rapper comme s'il avait encore des choses à prouver. Or, après 21 ans de carrière, Marshall Mathers, un daron de 47 ans, s’entête à nous balancer des punchlines d’un niveau pitoyable - « all you will ever get is the motherfuckin' finger, prostate exam » - qui n’aideront surement pas à certifier son statut de GOAT. En réalité, Eminem est aujourd'hui ce tonton relou, un peu provoc, qui anime les repas de famille par ses remarques déplacées. Ce onzième album studio est le disque d’un mec aux abois, visiblement frustré, qui sent bien que le monde du hip-hop qui l'a vu naître le respecte uniquement pour ce qu'il a pu apporter au rap il y a maintenant deux décennies. Pathétique.