Music for the Age of Miracles
The Clientele
Mettre un nouveau disque de The Clientele sur la platine après tant d’années, c’est faire un voyage "down memory lane". Dès les premières mesures de « The Neighbour », on retrouve tout ce qui faisait la marque de fabrique du trio londonien: guitare légèrement piquée, chœurs doux-amers et la voix ouatée d’Alasdair MacLean, reconnaissable entre mille, sans oublier la section de cordes de rigueur chez les Anglais depuis Strange Geometry. Le son a tellement peu changé qu’on a du mal à imaginer que sept années se sont écoulées depuis Minotaur, mini album qui devait alors marquer la fin de leur carrière. En un mot comme en cent, on a l’impression d’avoir juste cligné des yeux.
Car se replonger dans la musique de The Clientele, c’est comme ouvrir une vieille malle remplie de souvenirs. On prête attention au chant feutré comme on retrouve ses anciens jouets d’enfance. A chaque chanson, on tourne les pages d’un album photo aux clichés usés sur les bords, et on écoute « Everything You See Tonight is Different from Itself » un peu gêné, comme l’on se demanderait qui est ce jeune homme si mal fagoté qui nous ressemble sur les photos. On se demande même ce qu’on fait là, quel est l’intérêt de se replonger ainsi dans le passé, si ce n’est souffler sur la poussière et les toiles d’araignées ?
Et puis à un moment donné, l’on tombe dans le fond de la malle sur une carte postale un peu passée, de celle écrite par un amour d’adolescence envolé qui ne savait pas alors que rien ne dure. De celle qui fait monter les larmes aux yeux au moment où l’on s’y attend le moins, et cette émotion nous rappelle pourquoi on a conservé toutes ces vieilleries. A l'écoute de l'album ce moment arrive quelque part entre « Constellations Echo Lane » et « The Museum of Fog », dans la deuxième moitié du disque, et il suffit à lui seul à justifier un retour de The Clientele en 2017, avec une galette dont la minutie des arrangements n’est pas non plus la moindre des qualités.
Evidemment vivre les choses provoque plus de sensation que de s’en remémorer, même si l’on ne s’en rend pas toujours compte sur le moment. Et Suburban lights ou Strange Geometry restent sans conteste plus fort que ce Music for the Age of Miracles. Néanmoins The Clientele, après toutes ces années, avec ce son sans âge qui caractérise la formation, réussit à provoquer de vraies émotions, soient elles basées sur la mémoire, et ce n’est pas tous les groupes qui après vingt ans d’existences peuvent se targuer d’y arriver. En ce sens The Clientele sont bien « des artistes du monde flottant », pour reprendre les mots du récent Nobel de littérature Kazuo Ishiguro, vivant leur présent à travers le passé.