MUSIC
Playboi Carti

Il aura fallu attendre quatre ans pour pouvoir écouter le nouvel album de Playboi Carti. Quatre années au cours desquelles Whole Lotta Red est devenu culte pour toute une génération matrixée par TikTok. Pour la critique, sa fraicheur et sa radicalité forçaient le respect. En effet, Whole Lotta Red avait le mérite d'oser et de diviser les adorateurs de Die Lit, son précédent projet. C'est dans un mélange d'impatience et de circonspection que curieux et fans ont accueilli MUSIC, ce nouveau disque un peu trop attendu. Il faut dire que Carti n’a jamais disparu de la circulation pendant ces quatre années sans album : des prestations déchainées et des feats à gogo (avec Cactus Jack, Camila Cabello, Ye et Future) ont surchauffé les bulbes, affolé les compteurs et dopé les attentes entourant un album pressenti comme un game changer. Autant vous le dire tout de suite : ces promesses n'ont pas été tenues.
Déjà parce qu’un album qui se veut révolutionnaire ne peut recycler à ce point le passé : sans être exhaustif, on trouve des samples de Rich Kidz (« Bend Over » sur « LIKE WEEZY »), d’Ashanti (« Only U » sur « COCAINE NOSE »), de SpaceGhostPurpp (« Fuck Taylor Gang » sur « CRANK »), ou de feu Bankroll Fresh (« Sydney » sur « WALK »). De plus, le fait que la tape soit hostée par Swamp Izzo rappelle évidemment les plus belles années de Gucci Mane. Toutefois, avant qu'elle ne soit reprise par tout le game, Tyler, The Creator avait déjà très bien ramené cette tendance en 2021, avec des interventions de DJ Drama qui n’étaient pas des cache-misères, comme c’est souvent le cas ici. Enfin, les imitations de Future parviennent ici à être encore plus énervantes que celles de Desiigner, lequel avait au moins le mérite de s’être inspiré du côté mélancolique plutôt que du volet toxique de Pluto.
Un pareil constat s’applique à ses pitreries de plus en plus navrantes (le morceau « MOJO MOJO » avec Kendrick Lamar dans le rôle de l’oncle gênant qui veut jouer au djeune) et à ses « Schyeah » à répétition dans les moments où il manque le plus cruellement d’inspiration. Comme dirait Philippe de la première saison des Héros du gazon, "j'veux bien qu'on rigole mais y'a des limites". Quant aux paroles, elles sont au mieux totalement inintéressantes, au pire inquiétantes notamment lorsque Playboi Carti évoque ses rapports détestables avec les femmes - pour rappel, son passé judiciaire est particulièrement glaçant.
En tentant de toucher à tout, en passant du ragebait le plus crade (« POP OUT ») à des morceaux pop au mieux convenus (« RATHER LIE » avec The Weeknd), au pire anecdotiques (le bancal « WE NEED ALL DA VIBES » avec Young Thug et Ty Dolla $ign), la soi-disant « patte » de Carti se dilue et se complait dans l’inconsistance. Pire encore, quand on pense enfin s’en être débarrassé (comme sur « TWIN TRIM » avec Lil Uzi Vert et où Carti semble être parti pisser), il ressurgit au morceau suivant dans un jumpscare forcé tel une énième publication sponsorisée de Georges-Louis Bouchez dans ton fil d’actualité.
En bref, n’attendez rien de MUSIC à part une plongée dans un défouloir idiot, mal branlé et pensé pour les gogoles fiers dont parle Alkpote dans son morceau « Amsterdam City Gang ». Et quitte à retourner notre veste tel un fan du PSG après une bonne prestation de Donnarumma en C1, nous parions que la jeunesse foncedée à la kétamine qui adule pour le moment cet Euronymous des temps modernes va très bientôt finir par s’en lasser.