Mumps, Etc

Why?

City Slang – 2012
par Aurélien, le 31 octobre 2012
10

Il est de ces chroniques où l'on a le sentiment que les mots ne seront jamais assez justes, où l'on maudit les artistes d'avoir été tellement touchés par l'inspiration, la grâce ou la fatalité que même le plus beau des paragraphes semble suinter la plus alarmante des stérilités. Mais après tout, ce n'est pas comme si les intéressés en étaient à leur coup d'essai: Mumps, Etc. est en effet le cinquième album des fascinants Why?, dont l'Alopecia ou l'Elephant Eyelash nous avaient déjà ôté les plus belles images de la bouche à grands renforts de mélodies-tiroir et de punchlines sous tranxène.

Et s'il semble que le groupe ne soit jamais autant inspiré que quand il s'approprie la maladie – ''mumps'' signifie ''oreillons'' pour les anglophobes - nous ferons le choix, plutôt que de tomber malade, de tomber amoureux de cet album aussi lumineux que fragile, troisième coup de maître d'une équipe dont l'apogée ne semble vouloir se finir.

Car trois ans qui s'écoulent, ça vous laisse en tête un beau paquet d'actes manqués, de quotidiens moisis et de proches retrouvés pendus à une corde. Et il est certain que les Américains vont de nouveau se donner un malin plaisir à exorciser leurs plus sinistres cauchemars sous une fine couche de praline: plus cryptique et chancelant que jamais. Yoni Wolf ressort pour l'occasion du placard son flow qui ne prend pas la poussière et semble se parer de toute la misère du monde.

Plaisir partagé, puisque Mumps, Etc. est non seulement l'opus le plus rap du groupe depuis un bon moment – le MC s'autorise même à conclure l'album sur un ''Paper Hearts'' où il pose son phrasé nasillard sur trois minutes vertigineuses rappelant les meilleures phases de The Streets. Mais aussi le plus lumineux d'un groupe bien loin de se laisser prendre au piège de la redite. Abscons et torturé dans sa narration – ''Danny'' et ''As A Card'' ne dépassent par exemple que de l'orteil la minute de musique –, Mumps, Etc. est à ce jour l'album le plus court de Why?. Mais aucun sacrifice n'est fait: son ensemble constitue un bloc solide, éthéré où l'on se prend à de multiples reprises les pattes dans chacun de ces treize titres à l'indécryptable intimité. Ce qui ne dispense pas pas pour autant l'émotion d'être au rendez-vous d'un album en forme de grand huit émotionnel, où les gros mots épousent les mélodies sucrées-salées du groupe pour en faire ressortir toute leur délicatesse et leur humanité.

A l'arrivée, il ne nous reste que 34 minutes de musique au compteur. La joyeuse troupe de Yoni Wolf a de nouveau tout dit, tout donné et tout fait passer dans la plus insolente des justesses: Mumps, Etc. est un impeccable labyrinthe de douze titres sinueux et touchants où le rosacé ne prend jamais le pas sur la fragilité et où la gravité guette toujours derrière chaque relief. Voilà, tout est dit.

Est-ce que ça méritait tous ces brouillons 2.0 dans une corbeille Windows depuis tant de soirs? A retourner le dictionnaire de synonymes à la recherche de l'image parfaite? Sans doute pas. Mais c'est se donner un peu du mal pour une galette tout simplement exempte de fautes. Et ça, c'est sans doute le minimum requis pour lui faire honneur. 

Le goût des autres :
7 Denis