Moshi
Barney Wilen
Bien connu de nos lecteurs parisiens, l’excellent disquaire Souffle Continu et sa sélection de plaques du meilleur goût s’est lancé, il y a quelques années, avec son label du même nom, dans un ambitieux travail de réédition de curiosités hexagonales. Très ancré dans le virage des années 60/70 et marqué par diverses échappées folk, progressive, avant-gardiste ou psychédélique, le catalogue de Souffle Continu Records a ainsi déjà ressuscité bon nombre de musiciens dont la France peut être fière : Heldon, Mahjun ou Bernard Vitet pour n’en citer que quelques-uns.
Fidèle à sa ligne éditoriale, Souffle Continu Records sort ce jour l’indispensable Moshi. Saint Graal des diggers du monde entier, ce disque est le fruit d’un voyage initiatique entrepris en 1970 par l’immense saxophoniste Bernard Jean « Barney » Wilen (membre du quintet de Miles Davis lors de l’historique session Ascenseur pour l’Échafaud et auteur du très novateur Zodiac) à la découverte de l’Afrique et de sa riche tradition musicale et culturelle. Il en reviendra avec de nombreuses bandes enregistrées au gré de ses rencontres avec des musiciens et chanteurs locaux et finira par accoucher en 1972 du double album Moshi. Produit à l’époque par le label Saravah du regretté Pierre Barouh, Moshi est très singulier dans le sens où il est un des rares exemples (très réussi) de fusion entre le folklore africain proche du field recording, les negro-spirituals hérités des esclaves noirs exilés en Amérique du Nord et le jazz moderne. Le pont parfait entre pittoresque et modernité, Genèse et Nouveau Monde.
La tradition musicale et vocale africaine est ainsi incarnée par la sanza de 14 Temps et de "Balandji in Bobo" ainsi que par les échos arabisants de "Chechaoune", le chant hypnotique de "Guilde’s Song To Binkirri" et les chœurs rayonnants de "Gardenia Devil". Transcendé par le saxophone de Wilen, le jazz s’invite évidemment à la fête, tour à tour fusion (la guitare du « très Bitches Brew » Moshi), ethnique ("Afrika Freak Out" qui lorgne du côté de Pharoah Sanders sans les saillies sonores) ou free (la transe expérimentale de "Tindi Abalessa"). Mais mieux encore que d’en parler, allez donc jeter une oreille au funky "Zombizar", parfaite synthèse de ce disque, vous en sortirez à coup sûr conquis. Cette réédition tant attendue a débarqué début février dans un tirage limité et très richement documenté avec un livret de 20 pages et même un DVD documentaire qui lève le voile sur le périple de Barney Wilen sur le continent noir. Vous avez dit indispensable ?