Monomania

Deerhunter

4AD – 2013
par Pauline, le 24 mai 2013
8

Monomania s’ouvre sur un rugissement saturé, comme une courte note d’intention que Deerhunter suivra, sur la corde, sur 12 titres. Monomania est un rugissement. Autant le mettre sur la table : le disque est loin de la limpidité immédiate de Halcyon Digest et le groupe semble arrêter la quête précédemment entamée pour un indie rock clair et précis. Ici, le plan de carrière est balayé d’un geste insolent. Monomania est d’abord un objet que l’on regarde comme si l’on se trouvait face à cette bête bizarre qui rugit sur la piste 1. Comme l’étrange mutation d’une masse parfaite en un objet bizarre et saturé de sons et d’intentions. Pour son cinquième disque, Deerhunter laisse la place au rock, pur et brut, qui cache à peine leur sens parfait de la mélodie.

Bradford Cox et ses camarades ne nous donnent plus de mots, plus de paroles claires et plus de guitares propres. De premier abord, ce qu’ils nous donnent avec Monomania c’est un album sur lequel on aura du mal à être monomaniaque, un album duquel on se détournera comme d’un objet trop brûlant. C’est ce qu’on pense, et à tort, parce que Monomania est un disque qui grandit, d’écoute en écoute. Un album auquel il faut donner plusieurs écoutes, avec lequel il faut vivre. Et c’est l’œuvre d’un monomaniaque, en la personne de Bradford Cox, qui aime tant la musique que sur sa guitare poussent plusieurs branches (Deerhunter, Atlas Sound...). D’un acharné. Un album qui lui a permis de réaliser que pour lui, et avant la vie, il y a la musique. D’où, sûrement, l’urgence des titres, de “Leather Jacket II” à  “Dream Captain” (merveilleux mix de rock et de la plus délicate des pop). On attrape sa guitare et on fonce dans le tas. Mais si Monomania est de premier abord un peu boursouflé, un peu trop dans l’urgence, un peu martelé, il dévoile aussi des subtilités, mélancolique et triste sur “T.H.M” ou “Sleepwalking”. Un disque autoréflexif qui déclame d’abord l’amour de ses membres pour ce qu’ils sont en train de faire : de la musique. Et qui donne aux auditeurs qui persévèrent le privilège de redécouvrir leurs mélodies imparables.

Monomania est plus rock, mais pas moins labyrinthique - une constante que Deerhunter suit depuis ses débuts. Et au hasard d’un riff saturé, au hasard de sons rauques et animaux, il y a des miracles : la tendresse de la balade country “Pensacola”, et bien sûr l’énergie du désespoir dans la belle litanie qu’est la chanson titre, “Monomania”. Le titre par lequel on peut attraper le sens de cet album, et qui éclaire tout le reste du parcours. Elle concentre en une poignée de minutes l’essence de cet album intense, urgent, et jamais vain. Qui confirme, comme il se le doit, l’un des groupes les plus sincères et importants de sa génération.

Le goût des autres :
9 Jeff 7 Michael