Mistral
Soso Maness
« Aujourd'hui, j'gagne ma vie en allant au stud', à la base, j'fais du vol à l'étalage »
Sofien Manessour est un enfant des quartiers nord de Marseille. « Je suis très pessimiste sur l'état de ma ville. Il faut dire aux petits de faire de l'argent convenablement et de mettre de côté.[…] Mais pour eux, la violence, c'est quelque chose de normal, comme à Chicago. On n'en parle même plus dans La Provence, mais c'est le bordel tous les jours. » Dans une récente interview, le rappeur phocéen, qui connait aujourd’hui un succès national, est revenu sur son parcours chaotique, parsemé d’embuches et de faux-espoirs. Car celui qui se fait désormais appeler Soso Maness fut, durant des années, constamment rattrapé par le quotidien instable de son quartier de Font-Vert, où il grandit entre galères financières, vente de stupéfiants et allers-retours aux Baumettes. Ce quotidien, il le mettra en image dans un court métrage autobiographique, Le Vent Tourne, réalisé par Beat Bounce et dont la B.O. sera exclusivement composée d'extraits musicaux de son premier album Rescapé, sorti en 2019, l’année de ses 31 ans. Tout comme la mini-série « Force et Honneur » de Lacrim, Le Vent Tourne est axé autour d’une amitié fraternelle mise à rude épreuve par des évènements inattendus, qui va se régler dans une sanglante dispute territoriale pour des points de deal dans les quartiers les plus chauds de la cité phocéenne.
« Envoie l'argent et vite, j'déballe, j'découpe, j'débite »
Tout en gardant un pied dans son quartier, le rappeur marseillais est parvenu, petit à petit, single après single, à accrocher une audience fidèle et toujours grandissante. Aujourd’hui, un an après Rescapé, c’est déjà l’heure du deuxième album studio ; un disque versicolore qui va dévoiler différentes facettes de son interprète. En effet, le trentenaire nous prouve être tout à fait capable de cocher la case du rappeur à chicha façon Soolking ou JuLChroniques – l’incontournable single « So Maness » -, de balancer d’énormes taloches en compagnie d’Hornet La Frappe ou encore de jouer la carte du storytelling palpitant, c’est notamment le cas sur « Bilal » ou encore l’introductif « Mistral », un lever de rideau magistral porté par un sample exceptionnel de Daniel Baume. Ainsi, dès les premières secondes de son disque, le roi de la Franc-Manesserie dévoile une facilité à pondre des textes introspectifs et mélodramatiques, qui parleront très certainement à la génération post-IAM, celle qui a grandi avec les Psy4 de la Rime, avec Puissance Nord, avec Black Marché dans le baladeurs mp3. Car la véritable colonne vertébrale de Mistral se construit autour d’un spleen touchant, que seul un enfant des cités peut espérer raconter de façon sincère et crédible - « Je vends la mort, le matin, le soir, à des heures différentes / Aucun scrupule dans mes méfaits, j'en ai rien à foutre tant que le biff, il rentre ». Soso Maness le prône haut et fort depuis sa signature sur Sony Music en 2017 : c’est bien le rap qui lui a sauvé la vie.
« Ressens-tu la brise ? Le vent tourne vite, c’est la crise. »
Dans l’ombre de Julien Mari, l’OVNI de la cité Louis-Loucheur qui continue inlassablement à faire des wheelies au sommet du rap français, un bon nombre de MCs marseillais attendent impatiemment leur heure de gloire – on pense ici à des gars talentueux comme THABITI, Dika, Mehdi Yz ou encore le Guirri Gang. Et c’est exactement au sein de cette nouvelle génération de rappeurs phocéens que Soso Maness vient positionner son nouvel album ; porte-étendard d’une scène renouvelée, qui embrase toute une ville et qui n’attend qu’à être exportée, Mistral confirme qu’en 2020, sous le soleil des calanques, à l’ombre de la bonne mère, le rap marseillais reprend définitivement de belles couleurs.