Miss Météores
Olivia Ruiz
Olivia Ruiz est un phénomène bien singulier. Malgré le lobbying de certains stakhanovistes du petit écran qui voudraient nous faire croire que la jeune femme est la preuve que qualité et télé-réalité ne sont pas incompatibles, il est évident que plus les années passent, plus les émissions s’accumulent, et plus la chanteuse impose son statut d’exception et non de règle. C’est d’ailleurs tout à son honneur, et si la présence d’une ex-staracadémicienne dans les pages d’un webzine pop-rock-électro en choque encore quelques-uns, ils ne sont plus qu’une petite minorité bassement recroquevillée sur ses certitudes et sa mauvaise foi. Pour autant, la position de la miss n’est pas des plus confortables : adoubée par le grand public comme par la critique musicale la plus exigeante, il lui faut prouver qu’elle en a suffisamment sous le capot et dans les tripes, et se montrer à la hauteur du succès de La Femme Chocolat.
Malgré la pression évidente qui reposait sur ses frêles épaules, la jeune femme a plutôt bien réussi à négocier le virage du troisième album. D’abord, elle a eu la bonne idée de prendre son temps – presque quatre années dont plus de deux dans l’œil du cyclone médiatique. Ensuite, la sortie de la version espagnole de son album, La Chica Chocolate, a été l’occasion de redescendre un peu sur terre en se frottant à un public non conquis d’avance. Enfin et surtout, la plus hispanique des chanteuses francophones a su s’entourer d’une équipe en or pour accoucher de ce Miss Météores. Bien sûr, on retrouve au premier plan Matthias Malzieu, partenaire à la ville comme à la scène (ou plutôt au studio, en l’occurrence), responsable de la production et de la majeure partie des mélodies de ce troisième opus. Mais on croise également une brochette de talents venus des quatre coins du monde apporter une petite touche cosmopolite à l’univers féérique de la chanteuse.
Si les bidouillages du Canadien Buck 65 sur le premier single, "Elle Panique", sont plutôt minimalistes, les petits Frenchies de Coming Soon et les rockers britanniques des Noisettes apportent quant à eux une dose d’énergie juvénile toute bienvenue : les premiers signent deux morceaux tandis que les seconds viennent jouer les backing-band de luxe sur "Mon Petit à Petit". Ailleurs, les folkeux autrichiens de Lonely Drifter Karen jouent des vocalises sur "When The Night Comes" avant de laisser la place au frangin Toan pour le final rappé du "Saule Pleureur".
Mais si le casting est brillant, Miss Météores est avant tout le disque de l’affirmation d’une personnalité forte, libérée du parrainage de ses talentueux aînés et qui trouve son émancipation par la plume. Désormais seule ou presque au maniement des mots, la chanteuse dessine au fil des morceaux un (auto)portrait de femme-enfant, à la fois espiègle et craintive, au sang bouillonnant mais aux peurs immatures. D’ailleurs, la régression que traduit le titre de l’album (de la 'femme' chocolat à la 'miss' météores) est extrêmement parlante : Olivia Ruiz est un personnage irrationnel - c’est ce qui la rend si attachante et ce n’est pas pour rien qu’elle a trouvé l’équilibre auprès du leader de Dionysos.
Et c’est là aussi l’un des faits marquants de ce disque : la complicité entre les deux zoziaux y est encore plus éclatante que sur La Mécanique Du Cœur. Quand le bondissant bonhomme met en musique les dessins de sa moitié, il lui tisse un cocon soyeux, où Tim Burton croise le fer avec le fantôme de Don Quichotte dans une pampa imaginaire aux couleurs chatoyantes. A quatre mains, ils parviennent à s’inventer des odyssées culinaires ("Les Crêpes Aux Champignons"), à défier le Malin ("Spit The Devil") et même à réécrire L’Etrange Noël de Monsieur Jack ("Peur Du Noir"). C’est pourquoi réduire Olivia Ruiz à une tête de gondole pour télé-crochets en perte d’audience serait une ineptie : il y a tellement plus chez cette Miss Météores capable de s’enflammer au contact de l’atmosphère.