Misantropen
Varg
On n’a jamais vraiment parlé d’eux, mais pour l’occasion on se doit de remercier en toute honnêteté journalistique nos collègues de SWQW. Outre le fait que le webzine tient un rythme de folie, celui-ci prend encore la peine de nous surprendre avec des papiers pertinents sur des musiques qu’on aimerait voir plus souvent en première page des grosses machines à clics. Un amour des musiques risquées que nous partageons également depuis longtemps, et qui fait de nous des faux jumeaux dans un certain sens. La raison de ces quelques lignes et remerciements, on la trouve dans une de leurs chroniques les plus récentes. Et pour être honnête, on s’en serait bouffé les doigts d’être passé à côté de Varg et de son Misantropen.
Un disque fort, qui marquera sans nul doute cette année 2013 de son empreinte. Une étincelle de génie dans une constellation de sortie plus tapageuses les unes que les autres. Une acid-techno des limbes, montées sur de l’ambient sorti d’un fjord ou de n’importe quel autre cliché nordique. Une montagne analogique haute de mille pieds, totale, à la paroi solide. Un amour du hardware qui revit paisiblement, et qui semble ici comme un moyen et une fin. Si bien que le fond est indissociable de la forme : le grain qui forme la nappe, la nappe qui crée l’immersion, l’immersion qui provoque la perte. Le Suédois, qu’on imagine fan de Burzum (et plus largement de black metal, vu les photos de son vinyl derrière des pochettes de Bathory), explore les penchants acid/techno-dub/ambient avec une implication totale, amène les machines à livrer ce qu’elles ont de meilleur dans un grand trip fait de vent et de matière abruptes, de 303 et de 909. Une œuvre qui démonte en huit titres toute le passéisme de la scène dub-techno (d’ailleurs Echocord et Modern Love doivent se bouffer les doigts de ne pas l’avoir recruté celui-là), la rareté des claques acid, et qui fait la preuve d’une techno vivante, qui va de l’avant sans cesse. Une messe gigantesque qui harangue l’envie d’aller loin, de se paumer dans la brume et de ne jamais revenir. Un vrai trip physique.
Parfaitement équilibré et totalement équipé pour la nouvelle guerre analogique, Varg lance un molard aux pieds de Plastikman, de Brendon Moeller (surtout à son pseudonyme Echologist), d’Andy Stott et de Hardfloor. Pas sur que ceux-là sauront répliquer. Parce que Misantropen forme peut-être l’œuvre la plus supérieure en la matière, et ce depuis des années. Un disque rare, même quantitativement : les vinyls sont sold out, il ne reste que l’édition K7, limitée à 49 exemplaires - qui se profile comme la perle underground qui finira très haut dans nos charts de fin d’année. Quand le trip est fini, on se rend compte que ce Misantropen est la première sortie du label du grand Abdulla Rashim. On aurait dû s’en douter, putain.