Með suð í eyrum við spilum endalaust
Sigur Rós
Depuis que Sigur Rós, bien aidé par le patronage de Thom Yorke qui avait emmené le groupe sur la tournée européenne de Kid A en 2000, a débarqué tel un OVNI musical sorti de nulle part (et pour beaucoup, l’Islande, C'EST nulle part!), le groupe s’est taillé une réputation exemplaire, portée par quatre albums magnifiques témoins d’une marque de fabrique unique en son genre et imposée le plus naturellement du monde – une musique éthérée et onirique opérant le grand écart entre post rock et space rock. Inventeurs d’une formule dont ils semblent être les seuls à détenir le secret (ou du moins le bon dosage des ingrédients), le groupe a appris avec le temps à maîtriser son sujet, gratifiant des fans jamais en reste d’albums qui, bien que réussis, se contentaient en fait de tracer soigneusement un joli sillon.
Cependant, détracteurs et adulateurs avaient de quoi se réjouir à l’annonce de la sortie de Með suð í eyrum við spilum endalaust (Avec un bourdonnement dans les oreilles nous jouons inlassablement) puisque ce cinquième album semblait marquer une nouvelle étape dans la carrière des Islandais. Enregistré entre New York, Londres et La Havane sous la houlette du touche-à-tout Flood (U2, Depeche Mode ou PJ Harvey) et précédé d’un single (« Gobbledigook ») qui évoquait davantage la pop bidouillée d’Animal Collective que la froideur immaculée des précédents efforts, d’aucuns attendaient du groupe qu’il joue la carte de la surprise. Malheureusement, que ceux qui espéraient découvrir de nouveaux horizons en compagnie de Sigur Rós calment leur ardeurs, car c’est pour la continuité que le groupe a préféré opter. On retrouve donc sur Með suð í eyrum við spilum endalaust tous les éléments qui ont fait la renommée du groupe, à commencer par la voix de fausset de Jón Þór Birgisson, les ambiances pastorales et la grandiloquence des cuivres et des cordes. Et pour le coup, sur les cinq premières plages du disque, le fan lambda de Sigur Rós en reçoit pour son argent avec cinq morceaux magnifiquement construits. Qu’il s’agisse de « Festival » et sa montée en puissance jouissive ou de « Við spilum endalaust » et ses cuivres fiers, les émotions fortes sont au rendez-vous. Malheureusement, passée cette petite demi-heure de grâce absolue, les choses se gâtent quelque peu quand le groupe, pour une raison inconnue, décide de sombrer dans l’excès de pathos sur des titres qui tirent en longueur et constituent de franches déceptions dans le chef d'une formation qui avait si joliment su jouer avec nos émotions par le passé.
Une moitié d’album convaincante, c’est, vous en conviendrez, un peu léger pour un groupe du calibre de Sigur Rós. La question qui se pose dès lors, c’est de savoir s’il s’agit d'une simple erreur de parcours ou des premiers signes d'essoufflement. Mais cela, seul l’avenir pourra nous le dire. Suite au prochain épisode donc…