Mean Love

Sinkane

DFA / City Slang – 2014
par Jeff, le 2 octobre 2014
8

Y a-t-il une vie après LCD Soundsystem? Pas tant pour James Murphy, dont l'avenir semble plutôt bien engagé, mais plutôt pour le label qu'il a aidé à porter sur les fonds baptismaux, DFA Records. En effet, au faît de sa gloire, le groupe tirait le reste de la clique vers le haut et jouait le rôle d'aspirateur à fans potentiels grâce à une discographie impeccable et qui servait de vitrine idéale pour un label versé dans l'indie-dance de qualité. LCD Soundsystem désormais remisé au placard (d'ici à une reformation qu'on imagine aussi inévitable que juteuse, à l'occasion de Coachella 2021), le label se doit de trouver de nouvelles vaches à lait, notamment en allant tâtonner sur des territoires qu’il connaît un peu moins. Dans cette optique, les signatures du crooner Dan Bodan ou de Sinkane sont emblématiques d’une volonté de renouveau nécessaire à la survie de la structure. Et tandis qu’on attend toujours l’album de Dan Bodan (ça s’annonce plutôt bien), celui de Sinkane est dans les bacs depuis quelques semaines, et a retenu toute notre attention. D’origine soudanaise mais né à Londres, ce fils de professeurs d’université a pas mal bourlingué, nourrissant sa musique de très nombreuses influences. Un mélange des genres plutôt symptomatique de notre époque et finalement pas bien original en 2014, mais qui fonctionne pourtant à merveille sur ce qui est déjà son cinquième album – son deuxième pour DFA Records. Sinkane prend un malin plaisir à bouffer à tous les râteliers certes, mais la diarrhée carabinée ne pointe jamais le bout de son nez – en même temps, étant pote avec Damon Albarn et ayant été musicien de pour des gens comme Caribou ou Yeasayer, on peut partir du principe qu’il est allé à très bonne école. Très lisse et formaté à première écoute, Mean Love se révèle vite être un disque d’une sincérité de tous les instants, aux formes généreuses, et dont les nombreuses influences (soul, pop et afro-beat notamment) se mettent invariablement au service du groove et de la simplicité du songwriting. Car ces pop-songs améliorées, Sinkane les a voulues d’une limpidité à toute épreuve, comme si chaque titre devait être un single potentiel – ce qu’on n’est pas loin de penser. Cela donne à l’arrivée un disque court (une trentaine de minutes), généreux dans l’effort mais jamais dans l’exagération, capable de séduire dans l'exercice de la ballade sensuelle comme dans celui de la pop song rétores. Mais surtout un disque dont les accointances avec d’autres gens autrement plus hype ou bankable ne doivent cacher le travail d’un artiste accompli et extrêmement talentueux.   

NB: en Europe, le disque sort sur City Slang et non DFA, mais la référence au label de James Murphy faisant une belle introduction au papier, il a été décidé de jouer la carte de l'américanisme primaire.

Le goût des autres :
6 Yann