Massif Occidental
Hyperculte
Si le monde a besoin de labels ayant pour seule vocation de cartographier, explorer et valoriser un genre musical bien spécifique, il a tout autant besoin de labels qui se démarquent par leur capacité à ne jamais proposer la même chose, à fonctionner à la curiosité sans s’imposer les contraintes d’un genre. Et dans cette catégorie, peu de structures boxent avec l’habileté des Disques Bongo Joe. Capable de faire cohabiter sous un même toit la transe neo-trad de La Tène, le psychédélisme anatolien d’Altın Gün, les expérimentations pop de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, des démos du barde bobo Devendra Banhart ou la flûte martiniquaise de Max Cilla, la maison genevoise allie exigence, régularité et qualité. Un constat qui se confirme avec la nouvelle sortie du label / magasin de disques, le Massif Occidental des bien-nommés Hyperculte.
Car soyons clairs : malgré leur nom, ce n’est pas demain la veille que ces deux-là vont entrer dans les playlists France Inter ou avoir les honneurs d’une couv’ des Inrocks. Non, le duo composé de Simone Aubert et Vincent Bertholet a fait le choix d'arpenter les chemins de traverse, et qui l’aime le suive. On a par ailleurs l’honnêteté intellectuelle de penser qu’on ne sera pas trop nombreux à le faire, mais on a également la conviction que ceux qui prendront cet osé pari ne reviendront jamais sur leur pas. Des propos corroborés par tous ceux qui ont embarqué dans les délires « post-kraut »et « deviant disco » du duo en 2016, et qui fait tourner son moteur avec une batterie et une contrebasse soumise à moult effets. Au chaos du monde et à un avenir qui s’assombrit, Hyperculte répond par une musique qui invite à tout abandonner, et à voir le monde qui nous entoure par un prisme différent. Mais loin de ne penser qu’à nos jambes, le duo invite également à la réflexion à travers des textes pleins de lucidité, empreints d’une forme d’idéalisme militant mais qui jamais ne se veulent donneurs de leçons.
Dans un monde qui nous fait vivre dans l’illusion permanente de la liberté, dans une société où le militantisme se vit surtout par pétitions Change.org interposées et alors qu’on ne sait plus comment fermer le robinet d’eau tiède, l’action de groupes comme Hyperculte (et par extension de labels comme Les Disques Bongo Joe) est essentielle à la diffusion d’une culture qui réfléchit à ce qu'elle est (et ce qu'elle devrait être), ouvre bien grand les yeux, et redonne foi en la capacité de l’humain lambda à être autre chose que le relais d'une pensée dominante façonnée par des algorithmes.