Marciology
Roc Marciano
Qu’il collabore sur la totalité d’un projet avec DJ Muggs ou qu’il agisse seul comme un grand, le constat reste fondamentalement le même depuis une dizaine d’années : rien ne ressemble plus à un nouvel album de Roc Marciano qu’un autre album de Roc Marciano. On tient clairement un des rappeurs les plus singuliers de sa génération ; tellement singulier qu’il est généralement considéré comme l’alpha et l’omega du mouvement « post-boom bap » - à lui l’aura, aux autres les oripeaux. En réalité, chaque nouvel album du New Yorkais revient à poser la même question : à 46 ans, Roc Marciano n’a aucune intention de revoir sa copie, alors à quoi bon s’enthousiasmer quand tout ou presque a déjà été dit (y compris par nous) sur Marcielago ou Rosebudd’s Revenge ?
Peut-être parce que, même s’il ne semble pas trop aimer ça, son visage reste inconnu du grand public rap. Pourtant, son œuvre est trop importante pour être ignorée (Marciology est déjà son onzième album), son flow trop particulier pour ne pas être célébré (il est moins flamboyant que celui de Westside Gunn, mais pas moins hypnotique), son storytelling trop fin et référencé pour ne pas être disséqué (il est capable de faire rimer Richard Pryor et airfryer sans qu’on trouve ça anormal). Et en ce sens, Marciology coche soigneusement toutes les cases de la wish list du fan du bonhomme, pour un résultat qui prend une fois encore des airs de polar sombre, porté par un rythme lent qui installe des ambiances brumeuses et pesantes. Et parce que Roc Marciano est un énorme bosseur, c’est encore lui qui gère la quasi-totalité des productions, laissant quelques miettes à un The Alchemist particulièrement inspiré sur « Higher Self ».
D’ailleurs, on note qu’après une mise en route très (presque trop) tranquille, c’est après l’autre offrande de l'alchimiste, un titre beatless featuring Larry June, que Marciology prend enfin son envol, pour ne plus jamais quitter ces sommets auquel Roc Marci est habitué. Lui est impeccable, mais tous ses invités se mettent au diapason. Vu son emprise sur le milieu, il aurait pu s’offrir une guest list en forme de Met Gala du rap alternatif, mais il a préféré convier des chiens de la casse comme Free Lord ou notre chouchou CRIMEAPPLE, goguenard au possible sur « Killin' Spree ». Mais c’est peut-être au niveau des productions que Roc Marciano impressionne le plus. Si tout se tient sur Marciology, la variété des sources est impressionnante : soul pleureuse, rock tchèque, prog polonais ou encore jazz funk italien… l’exploration des origines du disque se révèle aussi passionnante que l’écoute d’un produit fini qui va solidifier encore un peu plus le culte Marciano.