M.A.N (Black Roses & Lost Feelings)

Josman

SIDELINE – 2022
par Yoofat, le 31 mai 2022
7

Mercredi 20 avril, face à mon écran de télévision, deux choix résumant assez bien l'horreur ambiante du moment s'offraient à moi : regarder mon équipe de cœur continuer à sombrer dans la folie en célébrant son titre dans un stade vide, ou écouter deux des personnalités les plus détestables du pays se faire face dans le fameux débat de l'entre-deux tours. Un mercredi soir où on mange Gucci, comme disent les jeunes...

Depuis quelques temps, une grosse odeur de dystopie se fait sentir... La bêtise s'infiltre partout, la pauvreté nous rend violent et les deniers nous rendent impassibles. Le monde brûle à petit feu comme dans un roman de Ray Bradbury, tout le monde le sait, tout le monde en est conscient et pourtant, tout le monde regarde Hanouna. Ou un match du PSG. Ou un débat entre deux trous du cul. 

Une manière de ne pas sombrer dans la folie est d'écouter des discours d'autres personnes qui sont conscientes qu'il y a vraiment un énorme problème t qui tentent au moins de rester dignes, voire d'envisager des solutions. Ce mercredi soir, je n'ai absolument aucune autre envie que de noyer ma tête dans des schémas de rimes de bâtard dépeignant la fin du monde. En l'occurrence, aucune solution n'en ressortira mais comment faire sinon pour survivre à cette soirée apocalyptique que nous réserve le PAF ? Ecouter M.A.N (Black Roses & Lost Feelings), de très loin le projet le plus accompli de Josman.

Son premier album, J.O.$, qui talonne ce nouvel effort, était peut-être encore trop candide, trop léger pour qu'on y retrouve la complexité qu'il a actuellement. Plutôt que d'incessamment parler de weed et d'argent de manière totalement triviale sur chaque piste, le rappeur a, comme Jazzy Bazz dont on parlait il y a quelques mois, pris la température du dehors et a réussi à réajuster sa musique en conséquence. Résultat : le son de son 3ème album est dur, grinçant et porte en lui le même sentiment de violence urbaine chaotique que l'EP Hell Can Wait de Vince Staples.

Bien entendu, Josman continue de s'épandre assez longuement sur sa drogue douce et son oseille. Mais dans le contexte quasi apocalyptique qu'il s'évertue à dépeindre, ces lubies font pleinement sens. Car elles ne sont jamais qu'un moyen de s'évader du monde réel et des problèmes évidents qu'il renferme. "Fiesta", par son titre, résume assez bien l'idée. La drogue, le sexe et les beaux vêtements que Josman n'a de cesse d'énumérer tout au long du disque ne sont jamais qu'un trompe-l'oeil à un monde froid où il n'y a absolument rien à célébrer. Surtout quand on est supporter du PSG en 2022, bordel. 

Techniquement irréprochable, comme à son habitude, Josman pousse le niveau jusqu'à des sphères insoupçonnées par le passé. On retiendra notamment que "3ein/Risotto Gambas", en plus d'être une piste puissante dans le propos enragé de l'album, est une démonstration de rap franchement époustouflante tant dans la technique que dans la "delivery". Toujours très bien servi à la prod, notamment par son binôme Eazy Dew, Josman vient de sortir l'une des rares constructions parisiennes satisfaisantes dans l'année. Ce mercredi 20 avril j'aurais au moins appris une chose : pour noyer son seum, rien de tel que M.A.N (Black Roses & Lost Feelings)