Mama, I'm Swollen
Cursive
Énième album en quinze ans de carrière: Cursive n'est pas né de la dernière pluie. Mais sa réputation et son succès ne se sont jamais véritablement envolés outre-Atlantique, la faute à un style trop américano-centré. Et pour cause, l'emocore n'a jamais été un genre dont se sont beaucoup préoccupés les Européens. Je ne parle pas de la soupe pour adolescents en crise que servent My Chemical Romance ou Fall Out Boy, mais de cet authentique rock alternatif dont les parrains se nomment Texas Is The Reason, At The Drive-In, Glassjaw ou Fugazi.
Cursive, le groupe de Tim Krasher, n'a l'aura d'aucun des groupes précités, mais a le mérite saluable de faire survivre un genre largement déserté. Et il le fait bien. Plus doux et posé que ses prédécesseurs, Mama, I'm Swollen démontre un grand sens de la mélodie. L'esprit emo est pleinement là : mélancolie un brin régressive, voix chouette (et geignarde) et explosions sonores sont au rendez-vous. On peut s'en agacer, parce qu'effectivement ce sont des trentenaires qui ont une capacité d'affect de collégiens, mais le savoir-faire musical et l'honnêteté des intentions emportent pourtant très facilement le bout de gras.
Nous préférons vous prévenir d'avance, placer des morceaux de Cursive dans une playlist de soirée n'est pas tellement conseillé. On risque surtout, si vous le faites quand même, de vous dire de retourner vous noyer dans le Champomy de votre mère. Par contre, si vous êtes chez vous tout seul un dimanche après-midi, en tailleur sur votre lit, si vous repensez à votre premier copain ou votre première copine, alors ces grands dadais de Cursive seront là pour vous. Leur power-ballades seront pour vous un très vif ressort pour une plongée nostalgique dans les vieilles amourettes de bancs d'école. En plus, Mama, I'm Swollen possède d'incontestables qualités musicales. Pas de super-production de major, juste des musiciens qui explorent toutes les possibilités de leurs instruments pour donner un son relativement riche en sonorités et en textures. De quoi donner un crédit incontestable à ce qui sentirait sinon un peu trop la guimauve.
Bref, Cursive prend à bras-le-corps son sentimentalisme pour nous en livrer une vision vraiment rock et vraiment cool, faisant d'une pierre deux coups par une piqûre de rappel sur quelques grandes figures du rock alternatif américain qu'on aurait tendance à négliger. Après ça on ne peut que dire, comme dirait l'autre, « émons-nous les uns les autres ».