Magic

Nas

Mass Appeal – 2021
par Ruben, le 26 janvier 2022
8

Tupac, Biggie, Eminem, Jay-Z et Nas sont communément cités comme le « Top 5 Dead or Alive » du rap US. Cette prestigieuse liste est évidemment sujette à d'interminables débats de comptoir : les puristes s’esclafferont de n’y voir apparaître aucun membre du Wu-Tang Clan ou d’Outkast, tandis que les plus jeunes d’entre nous tenteront de nous convaincre que Playboi Carti mérite amplement sa place. Quoi qu'il en soit, la quête de la couronne sacrée aura, durant les trois dernières décennies, déchiré les différents prétendants au trône.

Peut-être moins connu du grand public que le clash entre Tupac et Biggie, Jay-Z et Nas ont également eu leurs lots d’échanges corsés au début des années 2000. À l’époque, la guerre était ouvertement déclarée entre les deux New-Yorkais qui, dès les années 90, se dotent chacun d’une discographie (déjà) légendaire. Leur ascension simultanée amènera son lot de frictions, avant une réconciliation publique en 2005. Aujourd’hui, la hache de guerre est donc enterrée, mais les similitudes entre les deux MC ne s’estompent pas pour autant. En effet, tout comme Sean Carter, Nasir Jones ne manque pas d'activités extra-scolaires ; dès 2014, via sa firme Queensbridge Venture Partners, le rappeur investit des centaines de milliers de dollars dans des start-up prometteuses, dont certaines comme Genius, Dropbox et Coinbase s’avéreront être très (très) rentables. Businessman accompli, MC de légende, Nas a fini le rap-jeu en mode expert depuis belle lurette. Ce qui ne l’empêche pas de passer ses soirées en studio.

Car après un excellent King’s Disease II sorti en aout dernier, le rappeur du Queens a visiblement encore assez d’énergie, de temps et de choses à raconter pour nous balancer son deuxième projet de 2021, intitulé Magic. Dès les premières notes, on comprend immédiatement que Nas va, plus que jamais, jouer la carte de la nostalgie. L’introductif « Speechless » nous embarque ainsi pour un voyage temporel vers les heures dorées du rap new-yorkais ; sur le même ton, le titre en compagnie d’A$AP Rocky et DJ Premier, avec ses scratchs old school et ses SFX des années 2000, renvoie à la fabuleuse époque God’s Son et Street’s Disciple. Entièrement produit par Hit-Boy, qu’il ne quitte plus depuis King Disease premier du nom, ce nouveau projet propose son lot de beats old school raffinés ; un terrain de jeu idéal pour un Nasir Jones qui est de sortie avec sa plume dorée et vient ajouter un nouveau chapitre glorieux à l'une des plus belles discographies du hip-hop.

Et même si ces nouvelles punchlines seront probablement moins résistantes à l’épreuve du temps que les légendaires rimes de « N.Y. State Of Mind » et « If I Ruled The World », il reste chez Nas cette aura authentique et, surtout, ce timbre de voix unique qui a l’incroyable faculté de nous plonger dans les rues bouillonnantes d’une ville à l’agonie musicalement. En effet, après l’espoir suscité par la vague Beast Coast, force est de constater que l’emblématique berceau du hip-hop doit aujourd’hui se reposer sur sa vieille garde pour assurer une place dans le rap. Ainsi, contrairement à certains dinosaures dont la discographie s'apparente à une pénible descente en enfer – « will the real slim shady please stand up? » – , Nasir Jones nous prouve, avec ce quatorzième album studio, qu’il mérite encore et toujours sa place dans le « Top 5 Dead or Alive ».