"M" Megamix
I:Cube
Outre Oxia, l'autre grand retour que l'on attendait avec fébrilité, c'est bien celui de Nicolas Chaix, dit I:Cube, longtemps absent de nos radars et se limitant à une productivité aussi discrète qu'exemplaire. Après un audacieux retour en force amorcé l'an dernier par l'EP Lucifer En Discothèque biberonné aux raves et à la techno psychédélique, notre I:Cube national s'est posé comme défi, pour son premier long format en six ans, de réaliser un album s'inspirant des megamix des 90's. Insufflant à son nouveau bébé un son délicieusement lumineux et rétro qui avait tout pour remporter les suffrages, le producteur loupe finalement un précieux coche en lui conférant une forme qui ne rend pas franchement honneur à son exceptionnel fond.
Il apparaît difficile d'aborder l'objet sans commencer par le douloureux choix esthétique opéré par I:Cube : alors qu'on s'attendait à ce que cette formule megamix (24 pistes souvent courtes) s'entiche d'une forme de continuité et de fluidité – à l'instar des Surrender et Further des Chemical Brothers par exemple - il n'en sera finalement rien. En effet, chacune des pistes de ce ''M'' Megamix oublie d'inscrire sa lecture dans un ensemble soutenu et vivant et s'évapore dans ce qui ressemble à un amas de pistes jamais terminées. Parcourir ce disque génère donc autant de frustration que de plaisir, mettant continuellement l'eau à la bouche tout en empêchant de nous laisser atteindre le firmament. On pensait que le dernier Zomby remporterait à jamais la palme de la frustration mais avec ce ''M'' Megamix, on vient de lui trouver un insoupçonné grand frère.
On pourrait presque s'arrêter là d'ailleurs, se contenter de dire que cette galette repose sur un principe trop casse-gueule et tue l'amour pour nous toucher, mais le côté profondément mélodique et rafraîchissant qui émane de cet album, dans la pure continuité de Lucifer en Discothèque, parvient à limiter un peu la casse. Mieux, il démontre une nouvelle fois l'habilité spectaculaire avec laquelle ce cher I:Cube officie derrière ses machines, ne perdant jamais cet éclatant savoir-faire sonore entre synth-pop, techno abyssale et deep house ensoleillée. Son échappée en compagnie de Gilb'R sous le nom de Château Flight n'a nullement mis à mal le talent naturel du bonhomme à créer des ambiances scintillantes ou plus mentales, passant de l'une à l'autre avec une aisance et une classe qui ravissent à chaque fois les esgourdes.
Au final, si l'on apprécie la prise de risque sur ce retour à l'esthétique 90's, il subsiste quelque chose d'incroyablement frustrant à découvrir ''M'' Megamix : celui d'assister à une forme de teasing permanent, à une ère où même s'il fonctionne beaucoup par rips Youtube, l'auditeur n'est pas prêt à substituer ce moyen contre un album, véritable fin en soi. Souffrant d'une dynamique trop hachée malgré la qualité constante des pistes tracklistées, il faudra faire preuve de concessions et de patience pour apprécier un peu plus cette galette qui a honnêtement tout pour se faire aimer, sinon son handicapante narration.