LUZ / Quest for fire

Axel Boman

Studio Barnhus – 2022
par Aurélien, le 23 mai 2022
8

Il y a des artistes qui brillent par leur discrétion, et DJ Koze est de ceux-là. Certes, Pampa Records parle à sa place, mais côté albums, l’absence de l'Allemand commence à se faire ressentir : il faut dire qu’avec Amygdala en 2013 puis Knock Knock en 2018, le bougre avait réussi un tour de force que l’on avait plus vu depuis les Chemical Brothers : concilier un casting vocal de haute volée (Apparat, Róisín Murphy, CaribouJosé Gonzalez) avec une vraie qualité de production - sans oublier d'ajouter, pour faire bonne mesure, un tube ("Pick Up") et un fil rouge élégant. Mais hormis quelques relectures pour les copains, il faut bien avouer que l’électro-encéphalogramme de de Koze est plat depuis 2018, sans pour autant avoir vacillé sur son trône.

Il y a pourtant un Suédois qui pourrait prétendre à la couronne : dans notre viseur depuis quelques années, Axel Boman est l’homme de chouettes EP's, de quelques gros morceaux ("Paris 2006", "Eyes Of My Mind", "1979") et d’un chouette projet collaboratif avec John Talabot (Talaboman). Suffisamment de choses pour nous convaincre de son talent donc, mais pas assez pour nous garder alertes sur la longueur d’un disque – son précédent album en 2013 nous avait un peu perdu en chemin. Voilà quelques années pourtant que cette machine à faire danser semble avoir mis la main sur la recette magique de son homologue teuton, sans pour autant en approcher la finesse ou le charme. Comme la recette du Coca, le cahier des charges de Koze a l’air extrêmement simple, mais à ingrédients égaux on a vite fait de se retrouver avec un Breizh Cola : c’est sûr que ce n’est pas mauvais, mais ça manque tout de même de la petite épice supplémentaire qui transformera un bonne petite tranche de house en cette bombe qui remplira un Dekmantel ou un Peacock Society sur ton seul nom.

En tout cas, on ne peut pas dire que le Suédois a ménagé sa peine : ce premier semestre 2022, ce n’est pas un mais bien deux disques qui se sont succédés sur Studio Barnhus, le label qu'il a fondé avec Kornél Kovács et Petter Nordkvist, et qui se rend un peu plus indispensable à chaque sortie qui passe. Dix-huit nouveaux titres pour provoquer l’étincelle qui permettra au Suédois de se projeter parmi les meilleures machines à danser européennes. Car il faut bien l’admettre : Axel Boman est un artisan qui n’est pas instagram comptatible comme une Peggy Gou (encore heureux vu ses récents faits d'armes), et il lui faut donc un peu plus d’un ou deux demi-titres par an pour continuer à exister dans le circuit. Et avec Quest For Fire et LUZ, l’intéressé a eu à cœur de condenser un maximum de ses obsessions sur deux disques, et d’offrir la photographie d’une palette de talents bien plus étendue qu’on ne l’aurait imaginée.

Avec deux longs formats offrant chacun une proposition bien différente, Axel Boman a réussi à tout mettre au même endroit, évitant les écueils et les longueurs de ses précédents projets. Le premier disque, Quest for fire est fiévreux, taillé sur mesure pour la peak hour. Tout le contraire de LUZ, le second disque, qui convient mieux à une écoute domestique, un dimanche de descente. Pour autant, pas question de niaiser : tout cela se passe sous le regard vigilant d’un BPM suffisamment soutenu pour pas sombrer dans une house trop cotonneuse et somnolente à la Four Tet – à l’instar d’un "Edgeware Rd" qui rappelle le monstrueux "Star Guitar" des Chemical Brothers. Et puis on y croise aussi pas mal de tubes qui se chantent bien sous la douche, comme ce "Hold On" digne des meilleures séquences de la carrière de Hot Chip. Sans forcément nous rappeler à tout ce qu’on pouvait déjà aimer chez les autres, Axel Boman expérimente énormément sur ce disque et apparaît dans un état de grâce permanent.

Qu’on se le dise : Axel Boman vient avec ces deux disques de balayer la pression et de confirmer les promesses qui entourent depuis toutes ces années son personnage de producteur affable mais trop discret. Avec Quest for fire et surtout LUZ, jamais la musique du Suédois n’a parue aussi solaire et grand public, sans que ça ne ressemble à une opération séduction vaine et vaniteuse. Aujourd'hui, Axel Boman s'épanouit dans son propre jardin, avec deux longs formats parfaitement complémentaires, et garantis sans faute de goût.

Le goût des autres :