Lucky
Nada Surf
L’histoire de Nada Surf, tout le monde ou presque commence à la connaître. En 1996, à la faveur d’un single infectieux qui a monopolisé sur les ondes télévisées et radiophoniques pendant de nombreux mois, le trio californien s'est vu attribuer le statut peu enviable de "one hit wonder". Et malgré toute la bonne volonté de ses membres, il a été impossible pour celui-ci d’éviter de sombrer dans les limbes de l’anonymat et d’entamer une longue traversée du désert. Heureusement pour Nada Surf et nos oreilles, cette situation catastrophique n’a pas eu raison des ambitions et de la motivation du groupe qui, au fil des années et des productions sur de bons petits labels indépendants, s’est rebâti une réputation digne de ce nom et a renoué avec le succès grâce à Let Go et (surtout) à son impeccable précédent album, The Weight Is A Gift. Aussi, en 2008, Nada Surf est attendu au tournant. Qui aurait parié sur un tel scénario il y a une dizaine d'années?
La formation emmenée par Matthew Caws nous revient donc en ce début d’année avec son cinquième opus. Produit par John Goodmanson, qu’on a déjà retrouvé aux manettes pour Blonde Redhead, Lucky peut compter sur la présence de quelques invités de prestige, dont Ben Gibbard (la voix de Death Cab For Cutie), le pianiste anglais Ed Harcourt ou le trompettiste Martin Wenk (Calexico). Cependant, on ne le sait que trop bien, un joli tableau de chasse ne suffit pas à faire prendre la sauce. Et bien que les apports des artistes susmentionnés se fassent ressentir à divers moments, il faut surtout s’en remettre au talent de songwriter de Matthew Caws pour évaluer la valeur intrinsèque de ce Lucky. Et si cette nouvelle production ne recèle pas de bombinettes instantanées comme pouvaient l'être "Always Love" ou "Concrete Bed" sur The Weight Is A Gift, le groupe parvient toutefois à aligner quelques petites perles de "college rock" mélodique, racé, jamais putassier et, il faut bien le reconnaître, plutôt inoffensif. Dans l’ensemble plus mélancolique et lent que son prédécesseur, certains pourraient penser que Lucky est le fait d’un groupe qui, l’air de rien, commence à ressentir le poids des années. Certains morceaux, un peu trop mous du genou, tendent à le prouver. D’autres, redoutables d’efficacité et de sens mélodique, nous invitent à revoir rapidement notre jugement.
Album honorable, Lucky plaira plus que probablement aux fans du groupe, ceux-là qui n’ont jamais vraiment abandonné le groupe. Les autres porteront peut-être un regard plus critique sur cette dernière livraison en date et attendront le retour du groupe à des sonorités plus rugueuses et incisives. Suite au prochain épisode ? A n’en point douter.