LP

Holy Fuck

Young Turks – 2007
par Jeff, le 15 novembre 2007
9

Holy Fuck… Si on a connu plus fin comme nom de scène, force est de reconnaître que rarement un groupe aura aussi bien porté son nom. En effet, « Holy Fuck » est une expression châtiée qu’éructera tout anglophone normalement constitué lorsqu’il sera confronté à une manifestation qui déclenchera en lui un mélange d'étonnement et de fascination. C'est d’ailleurs ce même genre de réaction jouissive qu'ont suscité en moi les neuf titres présents sur LP. Pour votre gouverne, Holy Fuck est un groupe canadien à géométrie variable qui n’a strictement rien à voir avec le genre de formations que ce pays a pris la bonne habitude de nous envoyer par camions entiers ces trois dernières années: férus d’improvisation et de bidouillages en tous genres, ces gars originaires de Toronto se sont donnés pour mission de créer une musique électronique moderne sans avoir recours aux techniques propres au genre (loops ou programmations). Sur scène, ne vous attendez donc pas à voir le groupe prostré derrière des iBook mais bien à se démener comme des beaux diables pour extraire de leurs synthétiseurs une musique qui se trouve aux confins de l’électro, du post rock et du kraut rock.

La scène, c’est justement l’endroit où Holy Fuck donne sa pleine mesure. Et tandis que de nombreux groupes estampillés « electro » rentrent en studio bardés de bonnes intentions pour en ressortir avec un produit souvent bien trop lisse pour déclencher la liesse, Holy Fuck nous propose une galette qui n’a de studio que le nom puisque la plupart des titres qui s’y retrouvent ont été enregistrés en un temps record dans des conditions proche du live – voire sur scène comme ce « Super Innuit » capté lors d'une tournée avec ces allumés de !!!. Surpuissante et totalement décomplexée, la musique de Holy Fuck développe des structures qui évoquent Battles pour un résultat cependant plus proche d'un groupe comme Trans AM. C’est évident, on tient avec LP un disque à la force de frappe dévastatrice qui va inévitablement ravir tous les amateurs de décharges soniques noyées dans des nappes électroniques envoûtantes. Mais la plus belle réussite de ce deuxième effort, c’est probablement sur le titre le plus apaisé (il faudrait plutôt dire le moins dévastateur) de ce disque qu’il faut la chercher. « Lovely Allen » est un titre aussi chaotique qu’euphorique qui nous montre à quoi pourrait ressembler la musique de Sigur Rós si elle avait un peu moins la tête dans les étoiles et un peu plus le pied au plancher.

Ceux qui suivent de près l’actualité de Holy Fuck seront probablement déçus de noter que cinq des titres de LP se trouvaient déjà sur un EP (sobrement intitulé… EP) sorti quelques mois plus tôt. Mais si comme moi vous pénétrez pour la première fois dans l’univers dense et frénétique du groupe, vous risquez fort de vous ramasser l’une des plus belles claques de cette année 2007. Et y’a pas à dire, une bonne rouste de temps à autre, ça ne peut pas faire de mal. Holy Fuck en est la plus belle preuve.

Le goût des autres :
8 Simon 6 Julien 8 Nicolas