Loyalty to Loyalty
Cold War Kids
Originaires de Californie, les Cold War Kids, emmenés par la voix de fausset de Nathan Willett, ont séduit un assez large public avec leur premier album sorti en 2006, Robbers & Cowards, qui réussissait un surprenant mariage entre un rock envoûté, un piano omniprésent et des racines blues incontestables – loin des genres de musique à remporter un grand succès a priori, d'autant que ce son charnu reposait sur une ossature lourde, en l'occurrence les paroles de Willett, particulièrement sombres. Les Cold War Kids sont un groupe de l'Amérique d'en bas. Leurs chansons évoquent des meurtriers dans le couloir de la mort, des jeunes désœuvrés rêvant des années 60, des voleurs ou encore des militaires à l'hôpital.
Ce succès, ce premier album l'a dû, pour l'essentiel, à la hype alors en vogue sur un grand nombre de blogs musicaux, qui, dorénavant, font et défont les renommées. Heureusement pour elle, la galette tenait bien sur ses deux jambes grâce à une poignée de titres vraiment réussis, comme l'excellent "Hang Me Up to Dry" ou les non moins bons "We Used to Vacation" et "Robbers". Et on avait la sensation à l'époque que le groupe possédait déjà cette petite étincelle qui distingue les très bons groupes en devenir des vils petits canards ne bénéficiant que d'une réputation surfaite et éphémère.
Alors que vient de sortir leur second album, Loyalty to Loyalty, l'auditeur est conduit à constater que les Cold War Kids ont décidé de ne pas céder à la facilité : à l'exception de "I've Seen Enough", assez grandiose, chacun des titres ici présents réclamera de précieuses écoutes pour en percevoir la subtilité. Beaucoup moins accessible que Robbers & Cowards, cet album ne souffre pourtant pas d'un manque de titres forts, bien au contraire. On y retrouve le songwriting tourmenté de Willet, toujours prompt à dénoncer les turpitudes de son propre pays comme du monde, de manière générale : les chaussures Prada du Pape qui ne choquent personne ("Against Privacy"), les wetbacks mexicains traités comme des chiens ("Mexican Dogs"), les tentatives de suicides ("Golden Gate Jumpers") encore le système éducatif américain qui privilégie les "pigeons sur des tabourets" aux "poètes" ("Welcome to the Occupation").
Musicalement, malgré une certaine aridité aux premières écoutes, à l'exception de "Something Is Not Right With Me" et "I've Seen Enough", excellentes et immédiates, le disque est rarement pris en défaut. Si les Cold War Kids ont perdu une partie de leur charme sur la forme, c'est au bénéfice du fond : rares sont les groupes actuels à démontrer une telle intelligence et une telle passion. Cela étant, il faut bien reconnaître que le chant de Willett peut lasser sur la durée et que la grande cohésion de l'album peut s'apparenter, in fine, à une certaine monotonie. Voici un album à apprécier sur la durée et qui, dans le fond, ne lâche rien : graves, pompeux, mais jamais pompiers, les Cold War Kids sont la mauvaise conscience des Etats-Unis et cet album pourrait être le symbole d'un Bushisme agonisant.