Loweina Laurae
Veence Hanao
Pour situer un artiste on a coutume de le comparer à ses pairs. C'est parfois énervant, tant pour le lecteur qe pour l'artiste, même s'il faut avouer que c'est bien pratique. Alors j'espère que le rappeur belge Veence Hanao ne sera pas vexé par ce qui va suivre.
Son deuxième album le pose en chantre de la génération Y, terme galvaudé s'il en est. Cette génération MTV selon d'autres apprentis sociologues, celle qui n'a pas de grande guerre, qui préfère mater du porno et boire que penser à l'avenir. Et quand elle pense à l'avenir c'est rarement en bien. Dans ce contexte où « no future devient no life », Veence Hanao s'approche par moments d'Orelsan, mais sans la vulgarité, ou de Fuzati, mais sans le cynisme. Car contrairement au Versaillais, le Belge ne vomit pas son époque, il la raconte. Et ne s'exclut pas d'une masse méprisable. Et si Orelsan a le sens de la formule pour lui, Veence Hanao s'en distingue par une écriture plus poétique, plus abstraite et donc plus difficile à déchiffrer. Et ça fait du bien pour une fois de devoir un peu réfléchir pour comprendre des textes de rap.
Pour conter ses histoires grises, Veence Hanao habite parfaitement des beats parfois grime (« Kick, Snare, Bien », « Violence »), d'inspiration music-hall (« Dictaphone III - Sky Dans La Gueule ») ou jazz (« Chasse & Pêche ») d'un flow toujours à propos. Son quotidien banal, qui passe à la fois vite et lentement, est rempli de drogues. Mais leur consommation n'est pas glorifiée et on est loin d' A$AP Rocky ou de Juicy J, et de presque tout le rap américain qui vend des disques en fait. On y croise aussi des actrices porno qui accompagne la prose du bonhomme comme des héroïnes de séries - Alexis Texas est mentionnée, si le nom vous dit quelque chose vous comprendrez.
« Mickey Mouse » est la chanson la plus surprenante car thématique et assez osée. Malheureusement, quand on connaît l'horrible chanson « Dr. House » de Christophe Hondelatte, on ne peut s'empêcher d'y penser. Mais si vous avez la chance de n'avoir jamais entendu ce forfait du présentateur improvisé chanteur vous apprécierez d'autant plus. Si les refrains sont parfois un peu moyen et que la tendance à l'énumération peut lasser, l'ambiance musicale que créée Veenc Hanao est aussi travaillée que ses textes, loin des boucles uniques qui sont souvent l'apanage du rap. Sachez donc bien que si les mots savamment choisis embellissent le brouillard ambiant de dessins d'enfants faits sur la buée des vitres (« Leslie, l'errance »), le bruxellois, dont nous suivrons l'évolution avec force intérêt et curiosité, ne vous vendra pas du rêve en technicolor, il ne fait pas de « poèmes avec les mots firmament et azur ».
Après tout il faut s'y attendre lorsque ces phrases terminent la première chanson de Loweina Laurae : « Devenir fou serait le lot de nos mégapoles / J'me demande qui envoie les mouches sur les plaies béantes ». Et puis c'est un poisson des profondeurs marines, celles que personne ne connaît vraiment, qui donne son nom à l'album. La génération Y on vous dit.