Lovers at the Gun Club
Jackie Leven
Quatorzième album solo pour ce très vieux briscard de Jackie Leven et autant de démonstrations qu'il est bien le Johnny Cash écossais. Son blues-folk tout graisseux ne laisse pas imaginer une seconde qu'il vient des Iles Britanniques : ses textes parlent d'amours de saloon, de burgers gros comme des montagnes et de rivalités westerniennes – des textes au demeurant très bien écrits, drôles et touchants comme il faut. Une très belle qualité d'écriture qui vient se loger sur des instrumentations variées, riches en arrangements inventifs, où l'on croise des éléments folk et blues, bien sûr, mais aussi le spectre du jazz sur "The Dent in the Fender and the Wheel of Fate", des réminescences punk de son ancien groupe Doll by Doll et même des touches ambient rappelant fortement le Is a Woman de Lambchop. Rien de bien Rosbeef là-dedans, pourra-t-on noter. Jackie Leven a en effet la tête ailleurs et se donne complètement à une patrie qui n'est pas la sienne.
Mais ce qui étonne le plus dans Lovers at the Gun Club est en fait sa fraîcheur et sa décontraction. Les samples absurdes de coups de feu sur le morceau-titre démontrent bien que Jackie Leven a d'autres chats à fouetter que de se prendre complètement au sérieux. Malgré sa carrière déjà longue, il n'hésite pas à faire preuve d'une légèreté adolescente et d'une forme de je-m'en-foutisme charmant, ce qui ne fait en retour que rendre plus bouleversantes encore ces ballades guitare-voix (et éventuellement soundscape) au coin du feu. On pourrait presque citer tout l'album : "Woman in a Car", "I've Passed Away from Human Love" et "the Innocent Railway" sont au hasard trois crève-coeurs qui égalent sans mal ceux de Kurt Wagner – et ce n'est pas peu dire vu l'estime que je porte au songwriter de Lambchop. Pas étonnant avec des titres comme ceux-ci que, même s'il en serait terrorisé, je vois bien Jackie Leven reprendre le flambeau de Johnny Cash, maintenant que celui-ci n'est plus de ce monde. Ce serait une drôle de promotion pour un type relativement anonyme. Et pourtant ce serait mérité.