Lord Cut-Glass

Lord Cut-Glass

Chemikal Underground – 2009
par Popop, le 5 août 2009
7

Un groupe, sauf s’il est le joujou d’un despote plus ou moins éclairé (style Billy Corgan ou dans un genre différent plus proche de celui qui nous intéresse aujourd’hui Stuart Murdoch), c’est avant tout l’addition de multiples caractères, multiples talents et multiples aspirations musicales. C’est pourquoi lorsqu’un groupe se sépare et ses membres commencent à entamer des carrières en solo, le résultat peut parfois être surprenant. Bien souvent, c’est là qu’on réalise clairement qui occupait quel rôle dans la formation. Dans le cas des Delgados, on avait déjà eu un premier élément de réponse en 2007 avec Watch The Fireworks, le premier album en solitaire d’Emma Pollock : cette dernière était clairement l’élément pop du groupe, l’amoureuse des mélodies mélancoliques et sans doute l’initiatrice du rétropédalage de Universal Audio, le dernier album du groupe où la pop orchestrale était abandonnée en faveur d'un retour au format plus classique guitare-basse-batterie des débuts.

Avec la sortie de ce premier album éponyme de Lord Cut-Glass, doux patronyme derrière lequel se cache en fait Alun Woodward, chanteur de feu le meilleur groupe écossais de tous les temps, c’est une nouvelle pièce du puzzle qui se dévoile : celui-ci était clairement l’artisan symphonique et baroque des Delgados, celui qui prenait un malin plaisir à couvrir de cordes et de cuivres les morceaux des essentiels The Great Eastern et Hate en compagnie du producteur Dave Fridmann. Pour autant, la combinaison de la voix du bonhomme avec un orchestre symphonique ne signifie pas que Lord Cut-Glass (l’album) s’inscrit dans la droite lignée des deux chefs-d’œuvre susmentionnés. Aussi symphoniques soient-elles, les onze compositions présentes ici s’éloignent du cadre pop traditionnel et voguent vers des horizons folk bizarroïdes, à mi-chemin entre la comptine pour jeunes adultes et l’opéra-bouffe.

A l’instar de Neil Hannon avec son projet comico-musical The Duckworth Lewis Method, Alun Woodward se joue des genres sur un disque orchestral et baroque qui tranche singulièrement avec les productions actuelles. Ce qui n’empêche nullement le résultat d’être particulièrement séduisant, même s’il faut un certain nombre d’écoutes pour s’habituer à l’accent écossais particulièrement poussé sur le chant (et qui donne parfois à l’ensemble un côté un peu désuet digne d’une comédie musicale). Les fans des Delgados auront également l’agréable surprise en feuilletant le livret de découvrir que non seulement le batteur originel du groupe Paul Savage est derrière les fûts mais que la miss Pollock elle-même est venue poser sa voix sur le fond d’une poignée de titres (notamment le joli "Look After Your Wife"). Quant aux paroles au vitriol qui étaient l’une des marques de fabrique de Woodward, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la tracklist pour se rassurer : "Even Jesus Couldn’t Love You", "Holy Fuck", "I’m A Great Example For Dogs", "Monster Face"… Le bonhomme n’a rien perdu de son mordant avec les années et livre ici un beau disque complètement atypique qui ne se contente pas de regarder dans le rétroviseur.

Le goût des autres :
6 Julien