Live Journeys
Symbiosis Orchestra
Une passion pour les musiques électroniques obscures est née chez moi voila maintenant quelques mois. Certes, j’ai toujours entretenu des rapports ténus avec des labels à l’échine concassée tels que Warp ou Planet Mu, mais mon désir d’aventure ne parvenait plus à se voir rassasié comme auparavant. C’est en fouillant (bien aidé par mes collaborateurs je dois dire) dans les recoins de la musique électro-acoustique, ambient ou encore concrète – assimilées pompeusement à la frange « dure » de la musique expérimentale - que mes envies de renouveau ont retrouvé pleinement matière à réfléchir. Et pourtant, à en voir les réactions suscitées auprès de mes pairs, il semblerait que ces musiques demeurent encore et toujours en marge du reste de la production électronique. Musique jugée ennuyeuse par certains, trop intellectuelle pour d’autres ; les musiques expérimentales sont toujours considérées, malgré les possibilités infinies qu’elles offrent, comme le vilain petit canard de la bande.
Symbiosis Orchestra devrait pouvoir remédier à tout cela. Car si le principal grief reproché à cette musique est bien le statisme, voire le manque d’émotions inhérent à ses constructions (paraît-il), voici un disque qui combine à merveille audace sonore et relative accessibilité. Live Journeys se présente comme onze titres entièrement enregistrés au cours de la tournée italienne d’Andrea Gabriele, puis mixés ensemble afin de former ce premier long format. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce faux collectif (comptant notamment Scanner et Lawrence English dans ses rangs) fait les choses bien en organisant une véritable rencontre du troisième type. Alors que les premières minutes annonçaient une œuvre romanesque de par son orchestration classique lancinante, on se voit rapidement embarqué dans un univers entièrement fait de rencontres sonores chaleureuses. Les arpèges de guitares chantent les louanges de quelques nappes ambient éthérées pendant que de douces salves de drones recouvrent avec sensualité la voix perçante d’une jeune sylphide dansant sur un jazz éclairé.
Maintenant chaudement installé dans la pièce où se déroulent ces lentes mutations, je m’étonne encore d’entendre une guitare basse s’acoquiner avec des micro-beats d’une electronica squelettique ou de surprendre une poignée de rythmes tribaux chevaucher une ambient troublée par une série de sons environnementaux. Et pourtant malgré ces chocs électro-acoustiques, tout s’emboîte avec virtuosité sans qu’aucun changement de plan ne puisse être détecté, comme si tout avait été finalement pensé dans le cadre de cette fin unique. Avec ses quarante minutes au compteur, le seul reproche à faire à Symbiosis Orchestra est son synthétisme, constatant que cette œuvre aux courbes aguicheuses se serait bien vue rallongée de moitié.
Amis de la bonne musique, nous y voilà. Symbiosis Orchestra nous gratifie là d’un premier album aux charmes simples mais terriblement envoûtants, chauds et cotonneux. Live Journeys constitue la porte d’entrée idéale pour tous ceux qui envisagent de passer le cap tant redouté des musiques électro-acoustiques, ainsi qu’une occasion supplémentaire pour les fans endurcis de creuser encore un peu plus le sillon d’une musique expérimentale bien vivante. Très bel album donc.