Live At Robert Johnson Volume 8
Dixon
Le disque que nous tenons en main tient de la double rupture, d’adieux malheureusement cumulés. Avec ce huitième volume des compilations Live At Robert Johnson, nous perdons officiellement deux balises dans le grand bordel qu’est devenu le monde des sélections mixées : l’institution qu’est le club d’Offenbach et Dixon. La première, après avoir imposé sa singularité aux côtés des monstres Fabric et Dj-Kicks, tire sa révérence sur un constat brillant : huit compilations à posséder absolument pour leur caractère transversal, leurs chefs d’orchestre intelligemment sélectionnés (Arto Mwambé, Roman Flugel, Thomas Hammann & Gerd Janson, Chloé, Prins Thomas ou Ivan Smagghe) et leur intégrité musicale. Le second abandonne l’exercice de la sélection mixée par ennui de la contrainte, temporelle surtout : disons simplement qu’un homme habitué à des sets allant de deux à huit heures peut se sentir rapidement étriqué dans un format aussi court.
Des adieux certes, mais pas ingrats. Live At Robert Johnson – qu’on parle ici du club ou du label - fait front une dernière fois en nous offrant son plus beau joyau, son résident de toujours, l’homme qui a amorcé avec son cercle d’amis (grosso modo les représentants des labels Dial et Innervisions) le revival deep-house. Un homme à l’intelligence de jeu supérieure au commun des mortels, un type dont les edits sont joués dans n’importe quel club de bon goût, que seule Berlin a pu finir par contenir tant le bonhomme est devenu imposant au cœur de la scène house. Devra-t-on parler de conscience au moment de chroniquer ce Live At Robert Johnson Volume 8 ? Il faudra bien passer par là. Ou plutôt parlerons-nous d’essence, de vents presque magiques : les quatre premiers titres ont beau être beatless et à vocation quasiment ambient, on est déjà dans le substrat même de la deep-house. Une manière d’entrer dans le club malheureusement trop rare, mais qui sonne extrêmement juste au moment d’entendre émerger les premiers kicks, les premiers claviers, les premiers spoken words.
La sélection de Dixon a la réserve des grands, le groove des vieux et l’instinct des fous. Entre ses nombreux edits et ses potes inconnus (si on exclut Agoria, Âme et les présences tout à fait métamorphosées de Mark E et Todd Terje), il y a trop à dire. Trop de beauté, trop de velours, trop de précision. Bien trop de deep-house à son apogée. Une heure entre chien et loup, quand la nuit passe la main au jour, quand la conscience sombre ou se réveille. Tout simplement quand la house joue sur une autre planète. Pas d’extatisme hallucinatoire ici, que de l’amour. Dixon met le club sous couverture et appose les scellés dans la douleur. La douleur de partir, l’amour de danser. L’équation finale, comme toujours à cette heure là.