Like All Before You

The Voidz

Cult Records – 2024
par Émile, le 14 octobre 2024
8

Julian Casablancas, c'est ce type qui fait ce qu'on ferait tous·tes à sa place, mais que les artistes font finalement assez rarement : profiter. Ayant atteint très jeune le pic de son talent, de sa popularité et des royalties qui vont avec, il aurait pu suivre une carrière bizarrement classique : enchaîner les anthologies et les concerts nuls, forcer des réunions absurdes de fin de carrière pour regonfler sporadiquement son compte en banque, comme tant de vieux groupes ces temps-ci. Au lieu de cela, le voilà à repartir avec ses Strokes quand ça fonctionne bien, et profiter d’une deuxième carrière avec son nouveau groupe, The Voidz. Sans franchement suivre un plan de carrière arrêté, le groupe vient de sortir son troisième disque en dix ans, Like All Before You.

Le problème avec The Voidz, c’est que malgré l’originalité de cette équipe, difficile de ne pas l’écouter à partir du centre de gravité gigantesque que constitue The Strokes pour le rock indé – il suffit d’écouter le premier titre de Virtue pour s’en convaincre. Mais comme Julian Casablancas aime faire les choses proprement, ça a toujours été une réussite, comme on en était convaincu pour ce précédent disque.

Avec Like All Before You, l’impression laissée est celle d’un collectif enfin complètement indépendant de son noyau de départ. Une mitose achevée, complète, et qui, si elle offre la vie à un être étrange, a tout donné en terme d’idiosyncrasie. Pourtant, le Casablancas nouveau a un goût de déjà-entendu : aplats vocaux en toute confiance, vocoder absolument overkill qui laisse la dissonance faire toute son identité, et toplines qui empêchent chaque titre de quitter complètement la sphère des tubes. À ce jeu, « When Will the Time of These Bastards End » fait asseoir tout le monde et donne une leçon de composition de la part d’un type qui n’a rien perdu, mais qui a surtout su s’entourer de gens talentueux. Si les parties claviers de son solo Phrazes For The Young sonnaient parfois un peu cheapos, c’en est fini avec The Voidz. C’est dans cette même confiance compositrice que le groupe se permet des parties instrumentales assez nouvelles et franchement réussies. Outre les entrées et sorties du disque, on a repéré un « Spectral Analysis » qui semble presque sorti d’un J-RPG des années 2000, et sous lequel vient se glisser subtilement cette voix habituellement si appuyée.

C’est assez simple : Like All Before You n’a que les défauts de ses qualités. Si Julian Casablancas est un monstre de mélodie et d’inventivité, il n’en reste pas moins lui-même, et des morceaux comme « Flexorcist » donnent l’impression d’avoir déjà été écrit... par lui. De la même manière, si vous cherchiez un album conceptuellement cohérent et ne semblant pas avoir été composé par une bande d’écureuils sous caféine, vous êtes au mauvais endroit. Sans être expérimental, le disque est pour le moins éclectique, et on vous laissera juger de ce que « Prophecy of the Dragon » dit de leur talent pour le heavy metal.

Par contre, si vous cherchiez la véritable suite de la carrière de Julian Casablancas, elle est ici. Dans la dérangeante douceur de « Square Wave », dans l’entêtant refrain de « 7 Horses », et dans l’atmosphère global d’un disque fait par des gens qui regardent vers l’avant alors même qu’ils pourraient se délecter de leur passé jusqu’à la fin de leurs jours.

Le goût des autres :