Life Beyond Mars
Bowie Covered
L’influence de Bowie est sans bornes: on va finir par le savoir à force de le voir cité à tout bout de champ. Depuis quelques années, c’est au tour des musiciens électroniques de s’en imprégner. Comme les autres, ceux-ci ont aimé à la folie Hunky Dory et Ziggy Stardust, ils ont été bouleversés par l’étrange trilogie berlinoise ; mais – et c’est cette fois beaucoup moins commun, ils n’ont pas renié le Caméléon depuis sa trouée des années 80. De Let’s Dance en 1983 (dont le titre éponyme est la seule chose que l’on daigne retenir) au très indus Outside en 1995, le parcours de Bowie est tombé dans l’amnésie collective. Il n’y avait que le revival paillettes qui pouvait déterrer des morceaux comme "Loving The Alien" (1984) ou "Magic Dance" (1986). Dans ces temps de remise à plat du bon et mauvais goût, il n’est donc pas si surprenant de voir un disque de reprises honorant David Bowie totalement – c’est à dire dans toutes ses parties. Ça en est presque de la discrimination positive : même l’anecdotique Reality (2003) a droit à son clin d’œil avec "Looking For Water" !
Passée la tracklist, penchons-nous maintenant sur les artistes convoqués. On ne peut pas faire la fine bouche. Matthew Dear, Carl Craig voire Joakim, avec leur glorieux parcours et leur statut historique, s’imposent comme les leaders de la troupe. Au Revoir Simone, Heartbreak ou Kelley Pollar, eux, sont d’illustres représentants la génération Myspace, de quoi insuffler la légèreté nécessaire à l’exercice délicat de l’album de covers. Quant aux autres, moins prisés ou carrément inconnus, ils peuvent éventuellement assouvir notre besoin dévorant de découverte.
Jusqu’à ces lignes, Life Beyond Mars est encore un disque plein d’espoirs. Son écoute, si elle ne s’avère pas du tout catastrophique, a cependant du mal à répondre à nos attentes. Ce n’est pas que les titres du Maître soient massacrés, on peut au contraire se réjouir que rien ne fait horreur. Le problème vient plutôt d’un certain manque d’audace, peut-être même d’une timidité face à une œuvre encore en cours – Bowie ne manquera sans doute pas de jeter une oreille à ces nouvelles versions. Le résultat est en même temps agréable et vain : Matthew Dear est très timoré dans son "Sound & Vision", idem pour Au Revoir Simone avec son interprétation Télétubbies d’"Oh ! You Pretty Things". Joakim et The Emperor Machine peinent beaucoup à nous convaincre dans leurs tentatives Kraut-Disco. Preuve définitive de ce manque d’ambition, The Thing, face au trop immense "Life On Mars", se contentera d’un free-jazz silencieux et hors sujet, qui tient plus de la fuite et de l’évitement que du doigt d’honneur punk.
Le sentiment que Life Beyond Mars est un projet inutile est tenace. Seules quelques interprétations nous mettront curiseuement en joie : ce sont paradoxalement les titres les moins finis qui sont les plus enthousiasmants. Ces quelques moments d’émotion ont tous en commun leur côté artisanal et un peu branque. Leo Minor, d’abord, reprenant "Ashes to Ashes" avec un rythme presque drum’n’bass. Drew Brown, ensuite, dans un "Sweet Thing" très Lo-Fi. Mais surtout Carl Craig, en étonnante compagnie avec Zoos of Berlin – un jeune groupe Krautrock qu’il parraine – pour un Space-Rock des plus réussis. Trois ou quatre bons rafraîchissements dans un malheureux ensemble fadasse, à défaut d’être mauvais.