Letter to Self

Sprints

City Slang – 2024
par Jeff, le 15 janvier 2024
8

Probablement parce que l’auteur de ces lignes passe aujourd’hui le plus clair de son temps libre à écouter du neo boom bap, mais aussi parce qu’après une bonne dizaine d’années à suivre de près l’actu des musiques « à guitares » il a eu le sentiment de commencer à manquer de mots pour vous vendre sa camelote, il n’a pas vu débouler Sprints, groupe irlandais qui coche toutes les cases présidant à une montée en puissance en bonne et due forme : des EPs pour faire bruisser l’underground, des prestations remarquées à SXSW ou Eurosonic et des dates en compagnie de shame ou Suede pour faire bonne mesure.

Tout ça pour nous amener à ce début d’année 2024 et ce Letter to Self qui doit faire de Sprints ton nouveau groupe préféré – en tout cas c’est déjà celui d’une bonne partie de la presse spécialisée. Et au petit jeu des références et influences, il y a de quoi faire. D’ailleurs, prenez les trois premiers articles qui vous tombent sous la main et ils citent tous des noms différents : cela va de PJ Harvey et Fugazi chez Stereogum à LCD Soundystem et Bauhaus chez Pitchfork en passant par Savages et Fontaines D.C. chez The Guardian. On peut jouer aussi ? Alors on ajoute à cette liste Sonic Youth et Hole. Vous l’aurez compris, on a l’impression que c’est tout le rock braillard et bruyant de ces 30 dernières années qui aurait été condensé dans le premier album d’un petit groupe de Dublin. C’est faux, vous vous en doutez. Par contre, ce qui est bien vrai, c’est la déflagration que provoque l’écoute d’un disque qui coche toutes les cases pour être le carton indie de ce début 2024.

On ne sait pas trop par où commencer pour vous vendre le disque tant ses qualités sont nombreuses ; mais on citera d’abord le nom de Karla Chubb, qui démontre qu’il y a une vie après la version irlandaise de The Voice - on se disait pourtant que ce n'était pas gagné en voyant cette vidéo. Pourtant aujourd'hui, non contente de contribuer à l’écriture de tous les titres de l’album, la chanteuse affiche un charisme irrésistible, qu’elle manie avec suffisamment d’altruisme pour laisser s’exprimer le reste du groupe jouer les pyromanes quand le titre l’exige, comme sur le final bien cathartique de « Cathedral ».

L’autre grande qualité de ce disque, c'est sa production, confiée à Daniel Fox. Avec Gilla Band, dont il est le bassiste, il a appris à maîtriser bruit, tension et chaos ; et à les faire cohabiter dans des atmosphères hautement instables. Une qualité qu’il mettait l’année dernière au service des Psychotic Monks sur Pink Colour Surgery (avec les résultats que l’on connaît), et qui fait des merveille sur tous les titres de Letter to Self, dont il a l’intelligence de magnifier les qualités mélodiques – « Adore Adore Adore » ou « Shadow of a Doubt » auraient tout à fait eu leur place sur le premier album de Franz Ferdinand. D’ailleurs, les singles potentiels sont tellement nombreux sur le disque qu’on entrevoit déjà pour Sprints une carrière similaire à celle des Écossais, qui avaient fait tellement de bien pour le rock à une époque où on disait celui-ci moribond. Ça tombe bien pour eux, ce discours catastrophiste a toujours cours en 2024.

Le goût des autres :