Let's Talk It Over
Lee Fields
Depuis qu'il est un peu sorti de nulle part avec son impeccable Faithful Man, on nous a vendu Lee Fields comme un secret extrêmement bien gardé de la soul américaine. Et en l'occurrence, vu la difficulté que l'on a à retracer son parcours, on peut même dire que le bonhomme tient plus de l'ombre filante que du secret. Il n'a même pas de page Wikipédia, c'est dire. Car si les différentes biographies du natif de Caroline du Nord nous vendent une longue et riche carrière, force est de constater que Lee Fields n'a rien sorti entre 1979 et 1997. Ce qui est finalement bien peu pour un mec qui traîne ses costumes un brin pourris (et la pochette de Let's Talk It Over en est une nouvelle preuve) depuis plusieurs décennies. Un album donc, paru en 1979, et que nous ressort Truth & Soul en ce début d'année 2013. Un album pour mieux comprendre un homme dont on aura découvert sur le tard toute la sensibilité et tout le charisme. Un album très intéressant surtout, qui permet d'un peu recadrer le parcours du vétéran soulman et peut-être de comprendre un peu mieux l'anonymat dans lequel il a longtemps végété.
C'est un fait: s'il est bien un genre dont on a le sentiment que la production à son apogée a été plus abondante que tout, c'est bien la soul. L'âge d'or du genre est aujourd'hui loin derrière nous et pourtant on continue de découvrir des artistes incroyables au détour de la moindre compilation ou du moindre DJ set des spécialistes du genre. On se dit alors que dans les années 70, la concurrence devait être féroce et qu'il fallait, en plus d'un sacré talent, pas mal de chance pour percer. Pas de bol pour Lee Fields, le train est parti sans lui. En même temps, un album comme Let's Talk It Over nous permet d'un peu mieux interpréter le désamour dont il a pu faire preuve. Car si Faithful Man est l'œuvre d'un type qui a bien digéré les échecs du passé et porte un regard sobre et réaliste sur la vie, Let's Talk It Over est plutôt à classer dans cette catégorie de disques frileux dans son approche mais généreux dans sa réalisation. C'est bien simple, on a souvent l'impression d'entendre les Four Tops, James Brown ou n'importe quelle tête de gondole estampillée Stax ou Motown que Lee Fields. Un artiste en pleine période formatrice plutôt qu'un mec sûr de lui en somme. Ce qui ne fait pourtant pas de Let's Talk It Over un disque qui flaire bon l'arnaque, car l'Américain compense son manque total de couilles par une énergie et un groove qui, en 1979, faisaient déjà des merveilles.
Et si le disque original vaut au final le détour malgré une originalité en berne, on n'en dira pas autant des morceaux bonus qui agrémentent cette réédition, plutôt pantouflards et pas vraiment digne d'intérêt. Un disque pour les fans? Assurément. Quant à Lee Fields, c'est dans ses postures de vieux roublard de l'amour qu'on le préfère. Bref, qu'il s'attèle à livrer une suite à Faithful Man plutôt que de recycler ses vieilles bandes.