Let's Go Eat The Factory

Guided By Voices

Fire Records – 2012
par Michael, le 8 février 2012
4

On nous aura bien vendu cet album comme celui du retour du line up classique, celui des petits chefs d'oeuvres lo-fi que furent Bee Thousand ou Alien Lanes. En même temps nul n'est dupe et même si une poignée de morceaux sont signés ici par Tobin Sprout, Guided By Voices ça a toujours été Robert Pollard, figure de proue du rock indé et initiateur de la lo-fi avec entre autres Sebadoh, Pavement, ou Smog. C'était particulièrement vrai avec les premiers albums enregistrés avec les moyens du bord et qui réussirent à ériger une cool attitude dans laquelle la nonchalance et un je-m'enfoutisme très white trash allaient définir une bonne part du rock des années 90. Après le dernier album du groupe (Half-Smile Of The Decomposed) et un légendaire concert d'adieu de plus de quatre heures, Robert Pollard poursuivît une carrière solo entamée dès 1996 à coup de deux voire trois albums par an comptant parfois plus de 20 titres au compteur, malheureusement très inégaux. En fait, écouter un album solo de Robert Pollard c'était un peu comme la soupe de panais à la crême fraiche : les cinq premières cuillères on trouve ça délicieux, à la fin on a juste envie de balancer le reste aux toilettes afin d'éviter l'écoeurement total. Ainsi, même si GBV était avant tout le groupe d'un seul homme, la formule lui imposait sans doute plus de compromis et un rythme de production moindre que celui que représente l'absolue liberté de se retrouver seul aux manettes et d'avoir la tentation de tout sortir, même les morceaux dont on se serait volontiers passé.    

On aurait donc pu se réjouir de cette reformation, du moins sur le plan discographique. Hélas, il n'en sera rien. Les albums de GBV ont toujours été de joyeuses collections foutraques de morceaux agencés comme des patchworks combinant rugosité de la forme et délicatesse des mélodies. Une sorte d'art brut du rock indé devant autant à Brian Wilson qu'au Syd Barrett de The Madcap Laughs, le songwriting touché par la grâce, mais tendance grosse tataragne au plafond. On reste pourtant toujours dans le foutraque, mais sans la délicatesse, sans les perles mélodiques, les morceaux-tiroirs qui nous comblaient d'émerveillement au fur et à mesure de leur appréhension. Let's Go Eat The Factory a pourtant tout du GBV de la grande époque:  le line-up encore une fois, une pochette-collage on ne peut plus DIY, une tracklist gorgée de titres (21) en minimum de temps (41 minutes), des paroles à la fois naïves, surréalistes et grotesques, le sens de l'humour (parfois grinçant) en prime.  Hélas, s'il y a bien le flacon vous n'en goûterez point l'ivresse. On peine en effet à trouver plus de quatre morceaux conséquents sur l'album (à savoir "Doughnut For A Snowman", "Hang Mr. Kite", "The Unsinkable Fats Domino" et "Chocolate Boy"). Le reste pédale dans la semoule, peine à trouver un riff, une bribe de mélodie, une idée d'arrangement, et ce malgré l'utilisation de quelques synthés - ce qui en soi aurait pû être une bonne idée. Bref,  Let's Go Eat The Factory est un album vite écouté, vite chroniqué et vite oublié.