Leaders Of The Free World
Elbow
Dans la famille Manchester, je demande les apprentis dépressifs d’Elbow. Outsiders de la scène grouillante du nord de l’Angleterre, n’ayant ni la noirceur de I Am Kloot, ni la sobre classe de Doves, ni les joyeuses manies des touche-à-tout d’Alfie, Elbow ressemble à un anachronisme depuis le début de sa carrière. En deux albums et une poignée de brillants singles ("Newborn", "Any Day Now", "Ribcage"), le groupe mené par Guy Garvey a commencé à esquisser une personnalité des plus troublantes, tiraillé entre ses racines rock, ses flirts électroniques et ses aspirations de calife à la place de Radiohead.
Pourtant, aujourd’hui, tout paraît clair. Logique. Limpide même. Si Cast Of Thousands, paru en 2003, était le disque de l’affirmation artistique, alors Leaders Of The Free World se doit d’être celui de la consécration. Critique d’abord. Publique ensuite. Car des disques de ce calibre, on n’en a pas entendu des masses depuis quelques années, notamment en provenance de la perfide Albion.
Mariage parfait des guitares, des claviers et des percussions, porté d’un bout à l’autre par la puissante voix de Garvey, ce disque a tout du classique. Petit tour du propriétaire : on a le single parfait ("Forget Myself"), la ballade pour amoureux transis ("My Very Best"), l’hymne prolétaire ("Leaders Of The Free World"), la démonstration de percussions ("Mexican Standoff"), l’introduction vaporeuse ("Station Approach") et la conclusion intimiste ("Puncture Repair"). Un cliché sur le papier, une merveille dans la pratique.
Bref, Elbow vient de sortir le disque que l’on attendait vraiment de Doves en 2005. La chanson-titre doit à elle seule filer pas mal de cauchemars à Jimi Goodwin, mais on peut espérer que ce dernier relèvera le défi et reviendra avec une réponse cinglante. La guerre amicale et musicale des Mancuniens est désormais ouverte, à nous de profiter des retombées - à commencer par ce concentré de 40 années de savoir-faire britannique.