Le Love & Le Seum
Charles-Baptiste
Il y a quelque chose de fascinant à voir, année après année, le chanteur Charles-Baptiste évoluer au gré de ses envies. Parce que justement, l’envie est le seul moteur. Jamais le natif d'Oloron-Sainte-Marie, au sud-ouest de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques (un bled, cela a son importance quand on souhaite conquérir le monde) n’a semblé prendre en compte, réellement, les sons, les désirs de son époque. Il s’en fout, copieusement.
Né à la presse et au public des bars enfumés du 5ème arrondissement de Paris en temps qu’artiste de variété dans une capitale qui ne jurait alors que par les bébés rockeurs, les Strokes et une urgence tout adolescente, lui, en cette fin des années 2000, chante en français, joue du piano, et revendique ses cours de piano au conservatoire où il décrocha un premier prix. L’époque voulait de l’éphémère, du nerveux, du sale, du jeune. Charles-Baptiste, déjà vieux dans ses goûts (Delpech, Berger) et dans ses fringues (propres) est arrivé avec sa gueule de fils de bonne famille et ses bonnes manières. Troublant. Puis, il y eut les premières parties de La Grande Sophie, Olivia Ruiz ou encore Jacques Higelin avant d'être signé par le label Mercury (Universal), avec dans la foulée, un premier EP intitulé Premiers Aveux sorti en début d'année 2012. La street cred est à son plus bas. Il s’en fout, déjà.
Le Charles-Baptiste de 2020 n’est pas celui-ci. Le Charles Baptiste de 2020 a depuis connu la désillusion des majors, les tournées, le temps. Et pendant quatre années, il se sera tu, du moins hors de la scène, avant de revenir nouveau, avec un clip, celui de “Slalom” (avant-dernier morceau de ce disque), dans lequel il ose se faire moins respectable, plus bancal. La rébellion est certes gentille, maîtrisée, mais elle témoigne néanmoins d’une réelle avancée. Ce “Slalom”, il en est venu à bout. Sur Le Love Et Le Seum, nouvel album ultra moderne, il jure, il ose un phrasé savamment découpé, s’oubliant parfois même dans un joyeux bordel qui n’a d’autre fil conducteur que son bon plaisir. L’enfant sage n’existe plus. Subsiste seulement un sens des mots d’une rare intelligence, y compris dans sa vulgarité (“Solo”), sa naïveté (“Prosecco”).
Pourtant, au-delà des bouleversements esthétiques et parfois thématiques (il chante ici bien davantage le cul que l’amour), reste une ambition. Elle est simple, elle est sans aucun doute datée, mais elle est bien présente : le plaisir, le tube. “Coup d’un soir” est à ce titre tout autant la plus belle réussite de cet album qui en compte pourtant onze, que la vraie force motrice de cette nouvelle entrée dans une discographie malheureusement encore trop pauvre. Un single, dans tout ce qu’il a de noble, d’entêtant, de facile aussi. Chanter les filles, chanter le sexe, chanter la pop, entendons-nous bien, cela n’a rien de particulièrement audacieux, de particulièrement, pour certains et certaines, passionnant. Pour Charles-Baptiste, c’est Tout.
En 2013, une éternité, Charles-Baptiste se racontait ainsi au webzine Mandor : “Tout se décide à l’adolescence. Il y a ceux qui réussissent à l’adolescence, qui couchent avec plein de filles et il y a ceux qui ont eu du mal, qui ont eu quelques frustrations, ce qui a été mon cas… et qui développe donc une sensibilité autre. Quand on est une star au lycée, il n’est pas certain qu’on devienne une star dans la vie”. Charles-Baptiste n’est toujours pas la star qu’il devrait être. Il s’en fout, il pense l’être, et compose, écrit, enregistre et chante en tant que tel. C’est bien là le plus important. Croire en sa destinée, en la possibilité d’une carrière, ou simplement d’une fille, voire même d’une bonne chanson.