Le futur ça marche pas

Cyril Cyril

Bongo Joe / Born Bad Records – 2024
par thomas g, le 29 avril 2024
7

Même si vous ne connaissez pas Cyril Cyril, vous connaissez sûrement Cyril et Cyril. Cyril Bondi est le co-fondateur du collectif Insub., ancien membre de Plaistow, groupe culte de jazz expé, et actuellement batteur au sein des incroyables La Tène, il n'a jamais été aussi proche de formats "pop". Pour Cyril Cyril, il en a profité pour recréer une batterie hybride à partir de zéro : un instrument qui mélange éléments traditionnels et percussions atypiques, et un élément incontournable de la musique du duo, toujours plus prégnante sur ce disque.

De son côté, Cyril Yeterian, fondateur du disquaire / label Bongo Joe (qui édite ce disque en collaboration avec Born Bad Records) et ancien membre du groupe de folk cajun Mama Rosin, parle du projet comme d'“une guérison personnelle” qui consiste à “aller chercher des éléments dans mes origines [arméniennes] pour les ajouter à la musique”. De fait, la musique du pourtour méditerranéen a toujours été un élément important à l’ADN de la musique des Français. “Je sais qu’au prochain album, cela va être plus compliqué de nous étiqueter” avait précisé Yeterian quand je l'avais rencontré l'été dernier. En effet, le troisième album du duo, sans renier ses influences globalisées, se radicalise. Le Futur ça marche pas, est un truc qui semblait avoir disparu depuis les années 2000 : un disque de rock engagé.

Au chant, Yeterian se lâche comme jamais et raconte beaucoup de choses : « Microonda Sahara » parle du réchauffement climatique, en duo avec Eblis Álvarez, le mec des Meridian Brothers ; le single « La rotation de l’axe » abordé l’inexorabilité du futur, le thème central de l’album ; « Plus rien à faire » aborde terrorisme et action directe dans un déluge de noise ; « Chat Gepetto », parle de… euh… l’intelligence artificielle ; « Le tocsin » où Bondi prend le micro pour réciter le nom de lanceurs d’alertes et les secrets qu’iels ont révélés. Et c’est sur « La grisaille » que Yeterian explique pourquoi : la violence de ce monde ne laisse plus de place à la poésie.

L’ensemble de l’album possède un petit parfum nostalgique de crainte de l’apocalypse et plus particulièrement de la révolte des machines (intelligence artificielle encore, mais aussi les écrans, les automatisations, les processus…). Si les influences mondiales s'étiolent, Cyril Cyril invite quand même tout le microcosme Bongo Joe pour faire une ligne de basse ou un morceau de violoncelle. L’album est même produit par Carlos Quebrada du groupe de punk rock argentin Blanco Teta. Musicalement, c’est plus minimaliste et direct que ce qu'on avait pu entendre sur Yallah Mickey Mouse notamment. Un krautrock réduit à sa plus simple expression, toutes les percus et riffs se rejoignant dans un vacarme élégant, les harmonies vocales et autres effets de chant ajoutant à l’ambiance délicatement gauchiste. Manque plus qu’à finir par hurler “libérez l’argent des banques” en hochant de la tête.

Le goût des autres :